Jacques Audiard à Helsinki

Jacques Audiard, venu présenter en avant-première son dernier film « De rouille et d’os » au 25e Festival international du film de Helsinki – Amour et Anarchie, qui s’est déroulé du 20 au 30 septembre 2012, trompe bien son monde et surprend. On pourrait s’attendre à rencontrer un homme plutôt taciturne au vu des sujets de ses films, voire même de son look un peu sévère derrière lequel il semble se cacher : petit chapeau planté en haut du crâne, pipe et lunettes noires. Mais il n’en est rien. Bien au contraire, Jacques Audiard est quelqu’un de très agréable, pince-sans-rire, qui pratique très souvent l’ironie et l’autodérision. A son actif, six longs métrages, tous couronnés de succès et de prix : « Regarde les hommes tomber » (1994), « Un héros très discret » (1996), « Sur mes lèvres » (2001), « De battre mon coeur s’est arrêté » (2004), « Un prophète » (2009) et « De rouille et d’os » (2012).

Quelles que soient les affinités avec le cinéma de Jacques Audiard, on ne peut rester indifférent à « De rouille et d’os ». Bien qu’oublié du Palmarès de Cannes 2012, ce film surprend par son côté rugueux, mettant en scène deux individus dans un monde âpre, deux éclopés de la vie qui vont peu à peu s’apprivoiser l’un l’autre. Un film sur le handicap à la fois sentimental et physique, au ras de la peau, qui ne s’embarrasse guère de psychologie. On souffrira du peu d’émotions qu’il suscite tant il tranche dans le vif, mais on retiendra la belle performance de Marion Cotillard et Matthias Schoenaerts (« Bullhead »). A propos des acteurs, Jacques Audiard précise que, quand il écrit, il ne pense pas du tout aux comédiens, à qui va jouer tel personnage : « En revanche, quand j’ai fini d’écrire, ça va très vite. Marion s’est imposée très vite. Dans le cas de Matthias, c’est un peu plus particulier car, au départ, je ne pensais pas prendre un acteur professionnel. Donc, j’ai fait les salles de sport, les salles de boxe. C’est alors que j’ai pensé qu’un acteur non-professionnel avec Marion, ça allait être difficile… complexe pour l’acteur. C’est à ce moment-là que j’ai vu Matthias Schoenaerts dans “Bullhead” et que j’ai pensé à lui. »

Quand on est le fils de Michel Audiard, peut-on échapper au phénomène d’identification avec le père ? En tous cas, dans tous les films de Jacques Audiard, la relation père-fils est d’une importance capitale. Michel Audiard, grand scénariste et dialoguiste s’il en est, n’est plus et, au grand dam de son fils, n’aura pas pu voir les films de ce dernier. « J’aurais bien aimé que mon père voie mes films, qu’il voie mes enfants aussi… Je ne me pose pas la question en ces termes-là. Je regrette que mon père ne soit plus là – ce n’est pas une question de célébrité, c’est une question de manque », déclare-t-il. Grâce à son talent, sa rigueur et son audace, Jacques Audiard s’est imposé parmi les meilleurs réalisateurs français. Et aujourd’hui on ne dit plus que Jacques Audiard est le fils de Michel, mais plutôt que Michel Audiard est le père de Jacques.

« De rouille et d’os » /« Luihin ja ytimiin » (France, 2012)
Actuellement en salles. Distributeur : Cinema Mondo

Aline Vannier-Sihvola – Helsinki, 20 septembre 2012