David Lambert, réalisateur et scénariste belge, était l’invité de la 27e édition du Festival international du film de Helsinki – Amour & Anarchie, qui s’est déroulé du 18 au 28 septembre 2014 à Helsinki. A cette occasion, David Lambert a présenté son deuxième long métrage « Je suis à toi », dans la continuité de « Hors les murs », dans lequel il aborde à nouveau un amour homosexuel à travers un triangle amoureux. Le film « Je suis à toi » met en vedette Nahuel Pérez Biscayart qui a reçu le Prix du Meilleur acteur (dans le rôle de Lucas) à la 49ème édition du Festival international du film de Karlovy Vary.
Après votre premier long métrage « Hors les murs » (2012), vous vous intéressez à nouveau avec votre deuxième film « Je suis à toi » à une relation complexe entre deux hommes. Qu’est-ce qui vous a inspiré cette histoire ?
Ce qui m’a inspiré, c’est la rencontre avec toute une série de prostituées et d’acteurs pornos, et ce constat que je n’avais jamais vu un film qui traitait des prostitués comme ils étaient dans la vie… en tout cas, comme moi je les voyais dans la vie. Et la deuxième inspiration, c’était que je connaissais et que je rencontrais des clients de prostituées et que, étrangement, on était toujours dans des débats où c’était l’un contre l’autre. Au final, j’ai eu envie de faire une histoire qui essaye d’être juste par rapport à un personnage de prostitué masculin et par rapport à un personnage de client de prostitués masculin. C’était essayer de trouver une justesse, une approche qui ne soit pas condamnable, qui ne soit pas un jugement moral, qui soit, en fait, proche de ce qu’on trouve dans la vie. Donc, ma première inspiration a vraiment été la vie, pour le coup. C’était essayer de casser, en fait, les fantasmes que le cinéma véhicule par rapport à cette sorte de contrat prostitutionnel entre deux êtres. En effet, il y a toujours, que ce soit prostitués féminins/masculins, à peu près la même dramaturgie, à savoir une découverte de tomber dans la prostitution, une découverte des joies de l’argent facile et puis, à un moment, une passe qui dérape, qui devient très violente avec un client évidemment très pervers, et qui ensuite mène le héros vers une sorte de rédemption. Et je trouve ça très cliché. J’ai donc essayé de construire une histoire qui équilibrait les deux pôles et qui essayait d’être juste.
On sait aujourd’hui que Nahuel Pérez Biscayart a reçu le Prix du Meilleur acteur au Festival international du film de Karlovy Vary en juillet dernier. Comment avez-vous trouvé cet acteur pour le rôle principal dont la performance est exceptionnelle ?
Nahuel, je l’avais repéré dans un film de Benoît Jacquot qui s’appelle « Au fond des bois » où il était très impressionnant. Je l’avais aussi vu auparavant dans « Glue » – je l’avais vu en DVD. J’ai eu un premier désir, mais après je ne l’ai pas contacté ; il y a eu toute une série de circonstances qui ont fait que je ne l’ai pas contacté. Donc, je suis passé par un casting un peu normal et puis, à l’intérieur du casting, on me l’a reproposé. Je l’ai rencontré, et puis on a fait un chemin vers le film ensemble. J’avais envie qu’il aille vers le personnage pour qu’il prenne le temps de me dire oui et de voir ce qu’il pouvait apporter au rôle. Et ça a été une rencontre absolument formidable. Je suis ravi de sa performance et du partage qu’on a pu avoir ensemble sur le rôle… parce que c’est vraiment du partage.
Comment s’est fait le choix des autres acteurs – la très belle Monia Chokry et l’excellent Jean-Michel Balthazar ?
En fait, avec Monia Chokry, il s’est passé quelque chose d’assez troublant par rapport à elle. Je l’avais vue dans « Les amours imaginaires » de Xavier Dolan, et je la trouvais très fardée, très apprêtée mais, d’un autre côté, je voyais une sauvageonne. En fait, j’avais vu des photos d’elle dans la vie qui n’étaient pas du tout ce qu’elle était au cinéma. Et quand j’ai commencé à penser à Audrey, je me suis dit que c’est ce qu’elle est un peu dans la vie et que ce côté un peu sauvageonne pourrait correspondre. Alors, la rencontre s’est faite dans des circonstances, de nouveau, un peu magiques qui font qu’on se dit qu’on est dans le bon. Je suis allé voir un spectacle dans lequel elle jouait à Montréal qui s’appellait « La fureur de ce que je pense », adapté de textes de Nelly Arcan. Et Nelly Arcan, c’est un auteur que j’avais lu quand j’avais 25 ans, qui est une ancienne prostituée et qui a écrit sur sa prostitution. Donc, ça faisait partie des sources d’inspiration de toute ma réflexion sur ces rapports. Le spectacle était formidable, et Monia était radieuse dedans. On s’est vus à la sortie du spectacle ; on s’est parlés, et c’était assez évident, en fait. On a beaucoup travaillé aussi sur la construction du personnage, sur l’écriture. J’ai réécrit pour elle, et j’ai fait évoluer le personnage d’Audrey pour elle, avec un peu plus d’humour, un peu plus d’impertinence. Donc, de nouveau, ça a été une collaboration sur le long terme et une vraie création à deux pour le personnage. Quant à Jean-Michel Balthazar, j’ai travaillé avec lui au théâtre. Il était la seule certitude au moment où j’ai commencé le film. J’ai du reste écrit le rôle de Henri pour lui. J’avais déjà fait un court métrage avec lui – mon premier court qui s’appelle « Vivre encore un peu » –, et il faisait le père endeuillé. Donc, dès la première construction de casting, ça a été lui ; c’était mon premier désir d’acteur.
Pourquoi le choix d’un boulanger et d’une boulangerie ?
Parce que c’est un univers que je connais bien. C’est très autobiographique, pour le coup. Mon premier court métrage, en fait, se passait dans une boulangerie et traitait de la mort de quelqu’un, qui était d’ailleurs boulanger. C’est un univers tellement visuel, tellement fort que, du coup, j’avais envie de le redéployer sur un univers de long métrage. Il y a aussi cette idée, ce parallélisme entre le corps, la chair, la pâte, le massage… enfin, il y a toute une série de choses qui sont quasiment soit analogiques, soit métaphoriques mais qui, en tout cas, créent des liens sans trop forcer les signes. Et le troisième point, c’est que je trouvais assez belle cette idée d’un prostitué qui peut voyager dans le monde entier et vendre son corps. C’est un peu la même chose pour un boulanger, c’est un métier qui est, je ne dirais pas universel, mais un boulanger fait du pain où il veut.
Avez-vous un scénario très écrit ou bien laissez-vous une part d’improvisation aux acteurs ?
Les deux, je dirais. Le scénario est très écrit sur vraiment l’évolution de la narration, et quand je suis sur le plateau, j’explose le scénario. Je ne fais rien de ce qui y correspond. Je demande aux acteurs de se réapproprier l’objectif de la scène. Donc, ce n’est pas très écrit parce que les acteurs savent à quelle étape ils sont. Ils sont emprisonnés dans un canevas de l’histoire – ça, c’est toujours très précis –, mais la manière de raconter cette chose-là peut être très libre. De nouveau, c’est une création à deux, à trois, à quatre, en fonction du nombre d’acteurs et de moi, mais c’est une création, pas une exécution. Les dialogues peuvent changer, les gestes peuvent changer, les dialogues peuvent être supprimés, remplacés par un geste, un regard. En fait, il faut juste arriver à créer un moment de vie… complètement artificiel, mais c’est un moment de vie.
« Hors les murs » commence avec une relation hétérosexuelle de confort pour évoluer vers une relation homosexuelle douloureuse, alors qu’à l’inverse « Je suis à toi » montre au début du récit un écorché vif, apparemment sans scrupules mais en souffrance, dans une relation homosexuelle forcée, qui va peu à peu se révéler un être sensible, tendre et combler son manque affectif avec une femme. Diriez-vous qu’il y a, sinon un parallèle, du moins une continuité avec votre premier film ?
Oui. J’ai envie de dire que c’est quasiment deux mouvements inversés. « Hors les murs » est une construction d’une histoire d’amour qui va – je vais faire un mauvais jeu de mots – droit dans le mur, qui se termine mal. A l’inverse, dans « Je suis à toi », ça commence plutôt dans le mur, avec des personnages qui ont peu d’horizon, et puis c’est un récit qui s’ouvre sur du respect, sur de la tendresse et, en fait, sur une forme d’amour. Donc, c’est un récit qui va vers la lumière. Ainsi, le mouvement est complètement inversé et, du coup, évidemment, en termes de trouble de genre sexuel, de décision homme/femme, d’attraction/répulsion, ce sont un peu les mêmes composantes. Les personnages ne sont pas spécialement très définis dans leurs orientations respectives, que ce soit même le personnage du boulanger qui désire des corps qui ne sont quasiment pas accessibles pour lui. Le personnage d’Audrey, qui porte une sorte de deuil, est extrêmement compliqué et, puis, le personnage de Lucas, c’est franchement le plus paumé de tous.
Comment avez-vous réussi à diriger cette évolution très subtile dans le caractère du personnage de Lucas ? Cela s’est-il fait au fur et à mesure du tournage ?
C’était écrit, mais ce n’était pas aussi bien écrit que ce que Nahuel a incarné. C’était écrit dans l’intention, mais je n’avais pas tous les éléments, et c’était un peu le but du film. Après, Nahuel a amené des choses ; il était très concerné par cette évolution du personnage. On en parlait tout le temps. Et on a aussi tourné… Et c’est aussi une question de montage, parce que, évidemment, ma première version durait 2 heures 20, et il y a eu des choix de scènes. Il y avait des scènes, au début du film, où Lucas était encore plus énervant, vraiment atroce. Donc, c’est aussi une question de montage, c’est-à-dire trouver, même à l’intérieur d’une scène, la tonalité, le plan qui va faire qu’on est précis. Du coup, il y a des scènes où j’avais fait des variantes ; j’avais plusieurs prises pour vraiment pouvoir être le plus précis possible dans cette évolution, dans ce parcours. Donc, c’est en trois temps : les premières balises du scénario, l’incarnation du comédien et son apport à cette subtilité-là, et puis c’est prendre cette subtilité, cette générosité de Nahuel pour essayer de le pousser jusqu’au bout au montage avec ma super monteuse qui s’appelle Hélène Girard.
Si on suit votre parcours, il y a peu vous écriviez ou coécriviez des scénarios. Qu’est-ce qui vous a décidé à passer à la réalisation ?
Ce qui m’a décidé à passer à la réalisation, c’est l’impossibilité structurelle et économique d’être scénariste en Europe ou, en tout cas, en Francophonie. Je n’ai jamais trouvé le réalisateur aussi talentueux que j’espérais… enfin, je n’ai jamais trouvé la personne avec qui j’aurais pu faire un parcours détonnant en étant seulement scénariste. Et puis, j’avais des choses à dire. J’ai donc fait un premier court métrage qui, à l’époque, a eu beaucoup de succès, qui a été beaucoup vu. Et, du coup, j’ai eu l’occasion de faire un premier long métrage. Puis, ça s’est enchaîné. Si j’avais pu faire une carrière de scénariste seul, je n’aurais peut-être fait que ça ; je ne cherchais pas à réaliser mes propres films coûte que coûte. Mais après, j’ai eu, avec mes courts métrages, de très bons retours sur le travail de mise en scène. Et, au final, mon travail de mise en scène est un peu la continuité de l’écriture de scénarios. C’est comme si je continuais à écrire, mais en équipe, avec d’autres gens, et puis avec une précision telle… Je suis vraiment dans la continuité de ce que je faisais en scénario, en fait. Si ce n’est que je vais plus loin et que je porte les projets jusqu’au bout.
Est-ce que votre expérience de la mise en scène au théâtre – par laquelle vous avez débuté – vous a aidé à réaliser des longs métrages ?
Oui. J’ai même envie de dire que c’est assez fondamental. Parce qu’au théâtre, on travaille avec les acteurs en création pendant des semaines, des mois, pour arriver à une première, et c’est un rapport aux acteurs que les metteurs en scène de cinéma n’ont plus beaucoup. Ils sont dans la technique, dans l’image, dans toute une série de choses mais, pour moi, le rapport aux acteurs ne se construit, ne s’apprend, ne s’appréhende que sur scène, parce qu’il y a vraiment le temps et l’espace pour y arriver. Dans le cinéma, si le metteur en scène ne lutte pas pour travailler avec ses acteurs à l’intérieur de la production, le rapport va devenir de plus en plus inexistant. C’est une vraie lutte pour avoir de la création et pour avoir les moyens de travailler avec un acteur en amont du film. Je suis d’ailleurs très reconnaissant aux gens qui m’ont fait confiance et qui m’ont engagé à l’époque dans leur troupe pour faire du théâtre. C’était un vrai apprentissage.
Vous filmez des espaces clos ; on est souvent enfermés dans des chambres, voire la prison dans « Hors les murs », des bars, des clubs, la boulangerie dans « Je suis à toi ». Est-ce l’influence du théâtre ?
Ce n’est pas tellement le théâtre, ce sont plutôt les personnages qui conditionnent ça. Ce sont des personnages proches de moi sous certains aspects, et je suis sans doute quelqu’un plus d’intérieur que d’extérieur… je n’en sais rien. Mais l’histoire d’amour entre deux mecs dans « Hors les murs », à un moment, elle ne peut se vivre à fond qu’en intérieur. L’extérieur, en fait, traite du problème social de cette question que je n’avais pas envie de traiter. Donc, pour traiter l’intimité de ces deux garçons, je n’avais pas envie de les mettre à la piscine. Il fallait, pour cela, que je reste dans une chambre, Dans « Je suis à toi », je n’avais pas tellement envie de les mettre en extérieur non plus, parce qu’ils sont dans la boulangerie… enfin, c’est là que ça se passe. Je pense aussi que j’aime bien travailler l’intimité. En fait, c’est ça. Ce n’est pas tellement le théâtre, c’est en fait travailler l’intimité. Parce que quand il n’y a pas de regard social, de regard tiers, il se passe des choses très différentes. Et c’est surtout ça, le choix de l’intérieur. Ce n’est pas tellement l’intérieur pour l’intérieur, c’est l’absence de regard.
Votre premier film « Hors les murs » – sélectionné en 2012 pour la Semaine de la critique à Cannes – a été encensé par la critique, apprécié du public. Qu’est-ce qui, selon vous, a touché les gens ?
Je ne sais pas. En fait, moi, j’ai essayé de faire quelque chose de juste, de touchant. J’ai essayé de rendre compte de l’amour, de l’impossibilité de l’amour ou de la complication de l’amour, de son aspect fragile par rapport au social, par rapport au monde… enfin… tout ça. Je crois que pour les gens, c’est le fait que c’est une histoire d’amour. Tout le monde en rêve, tout le monde en souffre. C’est basique, et c’est archaïque, en plus. La construction, pour le coup, était très archaïque. C’est vraiment d’un classicisme absolu, même si les personnages n’étaient pas classiques.
Avec « Je suis à toi », votre démarche est-elle d’éveiller la conscience du plus grand nombre sur les problèmes existants de la misère et de la détresse humaine, de la prostitution ?
Pas du tout. Je n’ai eu envie d’éveiller quoi que ce soit ou qui que ce soit. Par contre, c’est plutôt rendre justice à des personnages. La prostitution, je vois ça comme un fait, et pas comme un problème. C’est quelque chose qui se passe et qui s’est toujours passé. La pauvreté est un problème, et la prostitution est, pour le coup, plutôt la solution à la pauvreté. Si les gens avaient un toit et de quoi manger, il n’y aurait pas de prostitution, ou il y en aurait moins. Et justement, je voulais un peu éviter les leçons de morale. Pour moi, les prostitués – et c’est pour ça que je n’aime pas le mot « problème » – sont parfois de vrais héros… enfin, je les trouve très héroïques dans leur rapport au monde, dans leur manière dont ils peuvent se jeter dans des aventures quand même extrêmement improbables. Je les trouve très héroïques par rapport à un refus de stagner dans leur classe sociale, et parfois dans leur pauvreté. Ce sont des gens qui refusent leur destin et qui essayent d’en sortir. Ce n’est pas pour éveiller les consciences, mais c’est vraiment pour essayer de dire ce qui se passe, dans toute la complexité des différents aspects. Et ce que je trouve intéressant, en effet, à l’heure d’Internet, c’est ce rapport à la webcam, au réel, devant du rêve qui, à un moment, devient complètement concret parce qu’on se retrouve dans une chambre ou dans un atelier de boulangerie avec ce corps-là… et il faut bien faire avec. Et ça, de fait, c’est très nouveau. Ça participe d’une sorte de mondialisation terrible et de migrations qui sont totalement improbables, et qui n’étaient pas possibles il y a vingt ans. Cette histoire-là n’aurait pas été possible il y a vingt ans. Ce sont des choses qui existent. Alors que ce soit homo, hétéro… c’est la même chose… c’est la même chose que d’accueillir une Biélorusse.
Y a-t-il une spécificité belge, un état d’esprit, une approche, une manière de filmer belge ? Par exemple, le sexe est évoqué sans tabou, avec humour, autodérision même, sans leçon de morale. On assiste à des scènes parfois décoiffantes : un boulanger qui danse sur des airs d’opérette en faisant son pain.
Je pense qu’en effet on a une approche qui, pour le coup, n’est pas du tout française. Et je pense que sur ces vingt dernières années, le cinéma belge francophone a acquis une certaine autonomie par rapport à un complexe qu’on avait vis-à-vis de l’industrie française… et qu’on n’a plus du tout. J’ai presque envie de dire que c’est plutôt le contraire. Alors que 80 pour cent du cinéma français va passer par le verbe, la parole pour traiter des choses, on va plutôt passer par l’action et par le visuel. Je pense qu’on a, en effet, atteint un degré de spécificité qui fait que ce n’est pas la même chose de faire un film en France ou en Belgique. Et puis, on a une liberté aussi liée, je pense, à un artisanat, à des choses émergentes, à une génération de cinéastes assez jeunes. On est encore frais, j’ai l’impression, par rapport au cinéma français qui me semble sclérosé dans des réflexes et des logiques un peu parfois compliqués, même s’il y a maintenant une nouvelle génération qui s’installe, qui a l’air très bien et qui va un peu bousculer la norme. Mais, oui, je pense qu’on est différents. Et plus nordiques, en fait. On a bizarrement l’esprit plus nordique.
Le Canada, en plus bien évidemment de la Wallonie, semble avoir investi dans le film aussi bien au niveau des acteurs avec Monia Chokri que des équipes techniques. Vous a-t-il été difficile de trouver le financement du film ?
On a fait le film avec peu d’argent. On s’attendait à avoir plus d’argent d’autres pays, mais je ne vais pas rentrer dans les détails. Donc, on a fait une coproduction belgo-canadienne. Ça n’a pas été difficile de convaincre le Canada parce qu’il y avait « Hors les murs » derrière, et ils m’ont refait confiance pour un deuxième film. Donc, à l’intérieur de ce canevas, ce n’était pas du tout difficile de trouver cet argent-là. Après, ce n’était pas très confortable financièrement ; ça reste un budget un peu serré, mais bon… J’ai trouvé ça très facile de travailler avec le Canada. Je pense qu’on a le même esprit, plus particulièrement avec le Québec. J’ai vraiment des amitiés professionnelles avec les partenaires canadiens qui sont fortes. Il y a des problèmes de coproduction, des soucis parce qu’on n’est pas toujours dans le même monde, parce que c’est compliqué, parce qu’il y a la distance, le décalage horaire, que parfois ce serait bien plus facile de travailler avec des gens qui sont soit vos voisins, soit qu’ils sont à une heure de train – c’est quand même plus facile d’être à une heure de train qu’à huit heures d’avion –, mais, au-delà de ça, je trouve que ça m’a beaucoup nourri les deux coproductions que j’ai faites avec le Canada.
Le film « Je suis à toi » s’inscrivant plutôt dans un circuit Art & Essai, qu’en est-il de la distribution internationale ?
Le film va sortir au Canada en janvier prochain. Il y a plein d’options sur les Etats-Unis, l’Angleterre, l’Espagne, l’Allemagne, mais rien n’est signé. Donc, je ne peux rien vous dire officiellement, pour l’instant. On espère que ça va aboutir. Pour le coup, ce n’est pas du tout de mon ressort et, comme vous savez, ce sont souvent des négociations financières.
Quelle est l’importance de la musique dans vos films ?
La musique est super importante. C’était important dans mon court métrage. C’était aussi important dans « Hors les murs » qui mettait en scène deux musiciens – l’un était clarinettiste et l’autre était bassiste –, et là, dans « Je suis à toi », c’était encore plus important et je suis allé un peu plus loin. Sur mes deux précédents films, le court métrage et le premier long, c’était une musique très liée aux personnages de manière systématique. En résumé, il jouait de la basse, on l’entendait jouer de la basse, il jouait du piano, c’était du piano. Ça devait être très naturaliste et réaliste. Là, je me suis permis des licences. Ce n’est pas style comédie musicale, mais un tout petit peu quand même. Je me suis permis des choses, et je suis très content de me les être permises parce que je me suis senti plus libre avec le medium cinéma avec ces possibilités-là. Oui, il y a clairement deux univers musicaux qui se rencontrent. Chez Lucas, c’est plutôt une sorte d’électro-punk qui prend de plus en plus de place. En fait, chez Lucas, il y a deux musiques : sa musique interne et intime, qu’on suit dans les moments de transition, et puis il y a la musique qu’il écoute, lui, dans ses écouteurs. Et j’ai envie de dire que ce qu’il écoute dans ses écouteurs devient de plus en plus grand au fur et à mesure du film ; ça s’installe comme une sorte de bande sonore. Et chez Henri, il se construit vraiment sur la désuétude du fan d’opérette, d’Offenbach et d’autres. Donc, il y a vraiment deux univers qui se rencontrent qui sont des univers musicaux et sonores. Et j’ai beaucoup travaillé la musique en postproduction, les choix musicaux, beaucoup de couches. Je me suis rendu compte, par rapport à la première version de montage, qu’il y avait des musiques indicatives qui n’étaient pas encore celles qui sont maintenant dans le film. Et tout le travail effectué sur le son, sur la musique montre à quel point le film, j’espère, a monté en grade, est devenu un film bien plus fort avec tout cet univers musical-là.
Quels sont vos projets cinématographiques ?
Je suis en train de préparer un troisième film, qui est l’adaptation d’un roman. Je n’ai pas encore rendu public ces choses-là, mais je suis en train de travailler sur un long métrage. Cette fois-ci, ce sera un trio : deux femmes et un personnage masculin. Le scénario est terminé et je commence à chercher l’argent. Mais je ne peux pas en dire plus, même si j’en ai très envie. Tout ce que je peux dire, c’est qu’il s’agit de l’adaptation d’un roman français.
Propos recueillis par Aline Vannier-Sihvola
Helsinki, le 20 septembre 2014
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