Coup de projecteur sur OLIVIER ASSAYAS

PERSONAL SHOPPER (2016)
Un film de Olivier Assayas
Avec Kristen Stewart, Lars Eidinger, Sigrid Bouaziz
Prix de la Mise en scène – Festival de Cannes 2016
FRII (Finlande) : Jeudi 29 avril à 21 h 00
FRII (Finlande) : Dimanche 2 mai à 23 h 00

Maureen, une jeune Américaine à Paris, s’occupe de la garde-robe d’une célébrité.
C’est un travail qu’elle n’aime pas mais elle n’a pas trouvé mieux pour payer son séjour et attendre que se manifeste l’esprit de Lewis, son frère jumeau récemment disparu.
Elle se met alors à recevoir sur son portable d’étranges messages anonymes…

Un film troublant qui, à l’époque, n’a pas fait l’unanimité des critiques et n’a pas vraiment suscité l’intérêt des spectateurs. Toutefois, « Personal Shopper » a été récompensé du Prix de la mise en scène au Festival de Cannes 2016. A chacun de se faire une opinion. Dans tous les cas, c’est un film qui ne laisse pas indifférent.

L’occasion également de découvrir les multiples facettes de cet amoureux du cinéma, notamment celui de Ingmar Bergman, dans l’entretien réalisé en 2018 lors de la XXXIIIe édition du Festival du film du soleil de minuit de Sodankylä.

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ENTRETIEN AVEC OLIVIER ASSAYAS… sous le soleil de minuit

OLIVIER ASSAYAS
Olivier Assayas, cinéaste français, était l’invité du Festival du film du soleil de minuit de Sodankylä (Finlande) qui s’est déroulé du 13 au 17 juin 2018. Présent au Festival en 2014, il revient cette fois pour conduire une Master Class et présenter l’oeuvre d’Ingmar Bergman dont on célèbre cette année le centenaire de la naissance. Olivier Assayas a eu la possibilité d’interviewer le maître suédois en 1990 et, suite à cette rencontre, il a tiré de ces entretiens un livre intitulé « Conversation avec Bergman ».
De la quinzaine de longs métrages qui ont fait sa renommée – entre autres « Irma Vep » (1996), « Demonlover » (2002), « Carlos » (2010), « Après mai » (2012), « Sils Maria » (2014), « Personal Shopper (2016) –, Olivier Assayas est également venu présenter « L’eau froide » (1994), son cinquième film récemment restauré, rare en projection, et qui est finalement, après 24 ans, distribué aux Etats-Unis. Témoin de sa génération, Olivier Assayas nous donne à voir déjà avec « L’eau froide », dans une ambiance musicale rock post-soixante-huitarde, ce qui deviendra son univers de prédilection, à savoir une jeunesse sentimentale, désorientée et insoumise.

Invité du Festival du film du soleil de minuit en 2014 pour présenter votre film « Sils Maria », vous repassez la ligne du Cercle polaire en cette année du centenaire de la naissance d’Ingmar Bergman pour nous parler du maître suédois que vous avez interviewé en 1990 et conduire, ici, une Master Class, à la suite de laquelle sera projeté un de ses films « Nattvardsgästerna » / « Les communiants » (1962). Au vu de votre actualité cinématographique, on se demande avec tous ces projets réalisés ou en cours de réalisation, comment vous avez pu trouver le temps de vous offrir une petite récréation, ici, à Sodankylä ?
Je suis venu, effectivement, en 2014 au Festival, et Sodankylä fait partie de ces festivals où on a l’impression que les gens aiment non seulement le cinéma, mais aiment le cinéma pour de bonnes raisons. Et, comme on se trouve dans un environnement assez simple, mais chaleureux, vivant et original, j’en avais, du coup, gardé un très bon souvenir. Et, cette fois-ci, il se trouvait que je venais de finir la restauration d’un de mes films des années 90 qui est « L’eau froide », un film qui avait été bloqué pendant des années pour des questions de droits, qui n’était jamais sorti et qui vient de sortir finalement aux Etats-Unis. Donc, le film est montré un peu à droite et à gauche, notamment, ici, à ce festival. Et, comme c’est un film qui est marqué, voire très marqué par l’inspiration de Bergman dans le sens où j’avais quand même à l’esprit un film comme « Monika » quand je faisais « L’eau froide » – enfin, très modestement –, ou disons que le personnage de Harriet Andersson dans « Monika » a beaucoup inspiré le personnage de Christine dans « L’eau froide », je trouvais que c’était une bonne occasion à la fois de montrer ce film dans un contexte qui lui ressemble et de parler de Bergman… D’autant plus que j’ai écrit un essai sur Bergman qui va être publié dans Film Comment, dans leur prochain numéro de Juillet-Août, pour essayer de réfléchir à la place de Bergman dans le cinéma contemporain.

L’un de vos premiers films « L’eau froide », qui n’a pas été présenté au public finlandais depuis des années, est donc projeté au cours de ce festival. « L’eau froide » est votre premier film à être sélectionné à Cannes en 1994 ; il raconte la révolte, la fugue de deux adolescents désorientés dans les années 70. Est-ce qu’il raconte aussi en partie votre histoire ? Quelle est la part de vous-même que vous investissez dans vos films en général ?
Qu’on soit autobiographique ou qu’on soit dans la fiction, je crois qu’on parle de soi-même : soit on parle des faits matériels de sa vie, soit on parle de ses propres fantasmes, de son imaginaire. L’un et l’autre, me semble-t-il, renvoient à des choses assez intimes d’une certaine façon. Disons que « L’eau froide » est un mélange des deux, mais peut-être que c’est un film plus directement autobiographique que d’autres films. C’est dans le sens où je l’ai tourné au lycée où j’allais, dans les paysages qui sont ceux de mon enfance. Je me suis vraiment inspiré aussi d’anecdotes, de circonstances de mon adolescence de cette période-là. Donc, il y a des choses qui sont très directes. Et il y en a d’autres qui sont tout à fait exceptionnelles, évidemment, pour en faire une histoire, mais le film est quand même constitué de toutes sortes de flashs un tout petit peu autobiographiques.

Quel est, des 17 longs métrages d’Aki Kaurismäki qui vont faire prochainement l’objet d’une rétrospective au Festival de La Rochelle fin juin, celui qui a votre préférence ?
C’est une question difficile. D’abord, pour ce qui est du Festival de La Rochelle, c’est intéressant parce qu’ils vont justement faire aussi une rétrospective de Bergman. Et, donc, le texte dont je parlais précédemment qui va paraître dans Film Comment, je l’ai écrit, à l’origine, comme une présentation pour la rétrospective de Bergman au Festival de La Rochelle. J’ai beaucoup d’admiration pour Kaurismäki ; j’aime beaucoup ce cinéaste. J’ai envie de dire que j’aime moins les films avec les Leningrad Cowboys, disons les films qu’il a fait un tout petit peu de la main gauche, ou même les films français auxquels je suis moins attaché. Mais j’aime tous ses films finlandais. Et même si je les mélange un tout petit peu, je les mélange avec la même admiration. Ses acteurs sont formidables. Par ailleurs, j’aime beaucoup la liberté avec laquelle il fait ses films. Et puis je trouve que sous son ironie très mordante, il y a en réalité une sensibilité, une humanité très profondes. Les films que je préfère de Kaurismäki me touchent beaucoup, notamment « Au loin s’en vont les nuages » (« Kauas pilvet karkaavat » – 1996).

Vous avez coécrit un livre avec le cinéaste suédois Stig Björkman intitulé « Conversation avec Bergman », résultat d’une rencontre et d’une longue interview en 1990. Dans quelles circonstances avez-vous rencontré Ingmar Bergman mais, avant cela, qu’est-ce qui a provoqué cette rencontre ?
A cette époque, en 1990, c’est quand même quelques années après « Fanny et Alexandre » (1982) ou « Après la répétition » (1984), et donc c’est à un moment qui correspond à une période de silence de Bergman qui durait déjà depuis plusieurs années. Le dernier entretien qu’il avait donné en France, c’était sa rencontre avec Serge Daney, au moment de la sortie de « Fanny et Alexandre », soit au début des années 80. Et donc, en 1990, Serge Toubiana, qui était directeur des Cahiers du cinéma à cette époque-là, avait, par l’intermédiaire de Stig Björkman, obtenu une sorte de grand entretien avec Bergman pour les Cahiers. Si Bergman avait rencontré Daney pour Libération début 80, on peut dire qu’un entretien pour les Cahiers du cinéma avec Bergman remontait à très loin. Et, à l’époque, Serge Toubiana, au lieu de proposer de faire cet entretien à l’un ou l’autre des rédacteurs de la revue, s’est dit qu’au fond ce serait peut-être plus intéressant que ce soit un cinéaste. J’avais, pour ma part, écrit pendant plusieurs années aux Cahiers du cinéma mais, à cette époque-là, j’avais déjà commencé à faire des films. Et, du moment où j’ai commencé à faire des films, j’ai cessé d’écrire sur le cinéma, bien sûr… encore que d’aucuns – mais cela reste des exceptions – ont moins de scrupules que moi ! Donc, j’avais fait deux films – « Désordre » (1986) et « L’enfant de l’hiver » (1989) – et Serge Toubiana m’a proposé de faire cet entretien avec Bergman. Il y a eu une sorte de coïncidence très frappante. En fait, je venais de faire mon second film où j’étais venu progressivement à comprendre qu’il y avait quelque chose du cinéma de Bergman qui, presque inconsciemment, me portait, dans le sens où j’avais choisi d’utiliser des personnages centraux féminins très forts et de filmer leurs visages un peu comme j’avais sans doute vu faire. D’une certaine façon, j’étais troublé par la façon dont Bergman s’était un peu invité, de façon presque inconsciente, dans ma manière de faire des films. Et je me suis dit, au fond, c’est peut-être le bon moment pour moi de me confronter à cette question-là. La rencontre s’est donc passée de la façon suivante : Bergman nous recevait trois après-midis de suite dans sa loge, au Dramaten – Théâtre national suédois – où il était en train de monter une pièce, je crois bien que c’était « Peer Gynt » d’Ibsen. On avait donc à peu près deux heures et demie en sa compagnie, trois après-midis de suite. Et assez vite j’ai dit à Serge Toubiana que cela me semblait plus intéressant d’en faire un livre. Donc, les éditions des Cahiers du cinéma ont publié le livre, et les bonnes feuilles de cet entretien ont été publiées par les Cahiers simultanément.

Comment s’est déroulé l’entretien et dans quelle langue ? Parlait-il bien français ou bien Stig Björkman en assurait l’interprétation ?
L’interview s’est déroulée en anglais, mais l’anglais de Bergman n’était pas parfait. C’est donc moi qui ai fait la transcription et la traduction en français. Je pense que ça ne pouvait pas être traduit de façon brute par quelqu’un qui n’aurait pas été sur place et qui n’aurait pas compris ce qu’il voulait dire. Donc, le fait que j’étais présent et que j’interprétais ce qu’il disait m’a permis d’être très fidèle à ses propos et à sa pensée. Et, de son côté, Stig Björkman a fait publier le livre en suédois, qui existe aussi en italien, en allemand, mais pas en anglais.

Olivier Assayas - MasterClass
Pourquoi ce choix des « Communiants » pour votre Master Class ?
Ce n’est pas moi qui ai choisi le film, mais le Festival. De toute manière, on m’aurait posé la question, j’aurais sans doute choisi « Les communiants » tout de même, parce que c’est un de ses très grands films, un de ses films les plus importants.

Le rôle des femmes est central dans l’oeuvre de Bergman et les personnages de femmes sont également souvent au centre de vos films. Quels sont les films de Bergman qui vous ont le plus marqué et en quoi ont-ils influencé votre travail ?
C’est ce que j’essayais de dire tout à l’heure, c’est-à-dire qu’il y a la figure de Harriet Andersson qui a fortement inspiré le personnage principal de « L’eau froide ». J’ai été hanté par la figure de Harriet Andersson dans « Monika ». Ce n’est pas seulement que cette figure-là a influencé ce film-là spécifiquement, c’est que vraiment, si je devais choisir dans l’histoire du cinéma la performance d’actrice qui m’a le plus impressionné, la présence cinématographique d’actrice qui m’a le plus marqué, c’est sans doute Harriet Andersson dans « Monika ». Je trouve qu’elle arrive à saisir quelque chose d’extraordinaire, d’unique dans une forme de rébellion adolescente mais, en même temps, avec quelque chose d’une humanité profonde. La façon dont Bergman le formulait, il disait : « La caméra l’aime ». Je ne sais pas s’il parlait de Harriet Andersson ou de quelqu’un d’autre mais, en tout cas, ça s’applique de façon frappante à Harriet Andersson. C’est quelqu’un qui a une présence cinématographique qui la dépasse, qui est au-delà de son propre talent, de sa propre personnalité. Donc, cela m’a certainement beaucoup marqué. Un autre film de Bergman qui m’a beaucoup marqué, c’est « L’heure du loup » qui n’est peut-être pas un des films que je préfère, mais je l’ai vu à 13 ans et ce film m’a fait peur, m’a beaucoup impressionné, et c’est resté avec moi. Pour ce qui est de « Scènes de la vie conjugale », que j’ai vu à 19 ans quand le film est sorti, il y avait pour moi l’évidence d’un chef-d’oeuvre absolu du cinéma. Je pense que c’est une oeuvre absolument unique, indépassable presque d’une certaine façon, une sorte de film-somme. Et puis, effectivement, « Les communiants » à cause de la figure du pasteur. C’est une sorte de résumé de la condition humaine moderne, de notre rapport à la métaphysique, et Bergman le saisit mieux que quiconque. Pour finir, je pense que « Fanny et Alexandre » est sans doute son chef-d’oeuvre ; c’est un film-somme aussi.

Connaissez-vous Jörn Donner, réalisateur finlandais mais aussi producteur de « Fanny et Alexandre » et avez-vous vu son récent documentaire « The Memory of Ingmar Bergman » constitué de fragments inédits de deux longues interviews réalisées en 1975 et 1997 (précisément le 14 juillet 1997 – jour de ses 80 ans) ?
J’en ai effectivement entendu parler mais je n’ai pas vu, hélas, son documentaire.

Margarethe von Trotta vient de réaliser également un long métrage documentaire « Searching for Ingmar Bergman » dans lequel vous intervenez et qui sortira en France en 2019. Que nous révèle ce documentaire que nous ne connaissions déjà ?
Je ne le connais pas non plus. J’ai fait, en effet, un entretien avec Margarethe von Trotta mais je n’étais pas à Cannes où le film a été montré.

A l’occasion de ce centenaire, participez-vous également à des hommages rendus à Ingmar Bergman, des manifestations organisées en France ou à l’étranger ?
Il va y avoir cette rétrospective à La Rochelle où je ne pense pas pouvoir me rendre parce que je ne serai pas à Paris à ce moment-là mais, encore une fois, j’ai écrit ce texte de présentation qui a quand même été intéressant pour moi parce que ça m’a permis de faire le point d’une certaine façon. Le texte s’appelle « Où en est-on avec Bergman ? » (*) où j’essaie un peu, de façon très personnelle, de comprendre au fond de quelle manière il est encore présent dans le cinéma contemporain.

Depuis votre dernière venue au Festival du soleil de minuit, en 2014, où vous présentiez « Sils Maria », vous avez réalisé « Personal Shopper » pour lequel vous avez remporté du Prix de la Mise en scène au Festival de Cannes 2016 – à noter que c’est votre première récompense à Cannes (hormis le Prix d’interprétation féminine pour Maggie Cheung dans « Clean » en 2004). Par ailleurs, vous avez écrit le scénario du dernier film de Roman Polanski « D’après une histoire vraie » qui est une adaptation du roman éponyme de Delphine de Vigan. Comment est née cette collaboration ?
Je ne connaissais pas personnellement Roman Polanski. On s’était croisés deux fois, mais on ne se connaissait pas du tout. Il se trouve qu’on a le même agent. Un jour, j’ai reçu un message de mon agent François Samuelson qui disait que Roman Polanski souhaiterait beaucoup travailler avec moi l’adaptation du roman « D’après une histoire vraie » de Delphine de Vigan. Cela m’a étonné dans le sens où un travail de scénariste, je n’avais pas fait ça depuis longtemps. J’avais fait ça, en fait, surtout avec André Téchiné dans les années 80, mais avant de faire des films moi-même, et donc, ça remontait à assez loin. Disons que, tout d’abord, ça m’a touché que Polanski me le propose, que ça vienne de ce cinéaste-là. Et puis, il y avait presque cette curiosité de savoir si j’étais encore capable d’écrire un scénario pour quelqu’un d’autre, de voir ce que ça allait donner et quel en serait le processus. Il se trouvait que j’avais le temps de le faire. Je ne connaissais pas du tout le livre, que j’ai lu et qui m’a beaucoup intéressé, je dois dire, même s’il m’a effrayé d’une certaine façon. Je l’ai trouvé à la fois douloureux et très dérangeant. J’ai eu le sentiment que, par certains côtés, le livre était très long, touffu, mais qu’il y avait peut-être moyen de se frayer un chemin. En tout cas, quand j’ai lu le livre, j’ai compris pourquoi il y avait besoin de quelqu’un pour l’adapter. Ça ne me semblait pas simple du tout mais, en le lisant, je voyais à peu près comment il y avait moyen d’en faire un film. Le bilan, c’est que j’ai eu beaucoup de plaisir à écrire et que le processus m’a intéressé, sauf qu’au bout d’un certain temps, évidemment, il y a le moment où je donne le scénario à Polanski qui a plutôt envie de faire un film de Polanski. Et donc, il prend le scénario, le retriture, le met à sa sauce, etc. et, même si je suis là pour l’aider et le fais volontiers avec lui, je continue à penser que ma version était plutôt mieux. Ce n’est sans doute pas vrai, mais néanmoins je me retrouve avec ce genre de frustration qu’on peut avoir quand on est scénariste et non pas réalisateur qui est de rester avec l’hypothèse que « peut-être j’aurais dû le faire moi-même », même si j’adore Roman et que je trouve que c’est un cinéaste de très grand talent. J’avais, pour ma part, écrit quelque chose de plus bergmanien et disons que Roman a tiré quelque chose de plus grinçant qui n’était pas dans mon adaptation.

Votre prochain long métrage « Doubles vies », que vous situez dans le monde de l’édition, sortira début 2019, avec de nouveau Juliette Binoche à l’affiche. Comment vous est venu le sujet de ce film qui met en scène un écrivain et un éditeur en prise avec les nouveaux codes de notre société ?
Du fait que je venais de faire deux films en anglais et que le prochain va être en anglais aussi et en espagnol, je crois qu’il y a eu une sorte de malaise, comme s’il y avait la nécessité de revenir à un film qui parlerait au temps présent. Et sans doute aussi parce que j’avais fait, avant « Sils Maria » et « Personal Shopper », deux films d’époque sur les années 70. Il m’a semblé donc qu’il y avait longtemps que je n’avais pas fait un film où je me confrontais au monde contemporain, à Paris, autour de moi. « Doubles vies » est vraiment un film d’acteurs, dans le sens où non seulement c’est écrit pour les acteurs – c’est écrit de ce point de vue-là comme du théâtre, un peu comme Bergman d’ailleurs, même si ce n’est pas un film si bergmanien que ça, enfin moins que d’autres que j’ai faits, car il y a un ton de comédie qui n’est pas celui de Bergman – mais c’est aussi un film d’acteurs dans le sens où j’ai vraiment eu la chance d’avoir tous les acteurs que je voulais dans l’option idéale. J’ai donc eu, d’une certaine façon, beaucoup de plaisir à les regarder et je crois qu’eux-mêmes ont eu beaucoup de plaisir à le tourner. Je pense que c’est un film assez libre, d’où se dégage une certaine légèreté, mais qui effectivement parle des questions qu’on se pose aujourd’hui autour de l’évolution, de la transformation du monde.

Huit ans après « Carlos » qui avait pour interprète principal Edgar Ramírez, vous faites de nouveau appel à cet acteur pour votre projet de film « Wasp Network ». Quelle est l’histoire de ce film et comment vous en est venue l’idée ?
C’est une histoire vraie qui est l’histoire d’un réseau d’espionnage cubain au début des années 90 qui a infiltré les organisations anti-castristes à Miami. En fait, c’est un projet qui m’est venu par mon producteur Charles Gillibert. Ce dernier avait rencontré un financier brésilien qui avait les droits de cet ouvrage « Os Últimos Soldados da Guerra Fria » du Brésilien Fernando Morais (disponible en anglais sous le titre « The Last Soldiers of the Cold War: The Story of the Cuban Five » – NDLR), qui est en fait un ouvrage journalistique qui raconte les faits de façon brute. Il m’a donc recommandé de le lire car il pensait que ça pouvait m’intéresser. Et, de fait, je l’ai lu et ça m’a beaucoup intéressé. J’ai trouvé que c’était très fouillis, mais j’avais le sentiment que les faits historiques, la façon dont ils étaient documentés, la possibilité de retrouver des sources, de faire un travail un peu d’historien, similaire au travail aussi que j’avais fait sur « Carlos », c’était quelque chose qui pouvait me correspondre, en tout cas qui m’excitait. Je me suis plongé dedans et ça s’est confirmé. Du coup, j’ai écrit ce film qu’on va tourner au début de l’année prochaine, dans les Caraïbes.

Qu’en est-il de votre projet « Idol’s Eye » avec, entre autres, Sylvester Stallone (Robert Pattinson, Rachel Weisz) ?
Aujourd’hui, il est plutôt programmé après « Wasp Network ». C’est un projet auquel je tiens et donc si le financement est là, après « Wasp Network », c’est le film que je fais.

Canal+ finançait pour une grande partie le cinéma français en attribuant 12,5 % de son chiffre d’affaires au pré-achat de films. Or, ayant perdu récemment les droits de retransmission de la Ligue 1 qui constituaient une manne pour la chaîne, pensez-vous que l’on peut craindre pour l’avenir du cinéma français ?
Il y a toutes les craintes à avoir. Pour ma part, je ne m’intéresse pas beaucoup à la politique du cinéma dans le sens où je ne la suis pas de près. Mon impression vue de loin et de façon très subjective, c’est que récemment Canal+ a été géré en dépit du bon sens. Donc, au fond, il y a la sanction du mauvais travail d’une équipe qui n’a pas su maintenir la position de Canal+ au coeur du cinéma français. Aujourd’hui, si ça s’arrête, se réduit ou se transforme, cela va être assez violent parce que tout d’un coup le cinéma français va se retrouver à se poser des questions métaphysiques, dans le sens où le cinéma ne marche plus tant que ça à la télévision, exception faite de certains blockbusters avec des stars comiques. Enfin, à part ça, on est plutôt un média qui est en déclin. Les subventions, certes elles existent, tout ça est assez solide, mais est-ce que ça suffit à financer des films ? Je n’en sais trop rien. S’il faut se baser sur un financement déterminé par la salle, la salle c’est, hélas pour 95 pour cent des films, une source de recettes relativement secondaire. Quand je dis que je ne m’intéresse pas à la politique, je vais être obligé de m’y intéresser dans le sens où Canal+ a toujours été la variable d’ajustement des films français. C’est-à-dire qu’en général on réunit le financement et puis on va voir Canal+ et on leur dit ce qui nous manque. Après, eux, ils font la jonction souvent. S’il n’y a plus personne pour faire ça, y compris s’il n’y a plus la volonté politique de faire ça, et là je ne parle pas des films de Danny Boone, je parle de films qui sont plus compliqués à monter, qui sont des films d’auteur, des films qui créent la notoriété ou le prestige du cinéma français à l’étranger, s’il n’y a donc plus la volonté politique que ces films-là existent, sans Canal+, ça ne va pas être simple. Pour ma part, cela fait un moment que je suis un peu à l’écart de ça, c’est-à-dire que comme je fais des films qui sont un peu atypiques, qui sont souvent en anglais, j’ai de ce fait très peu accès au financement du cinéma français. Dans ces cas-là, comme pour mes deux derniers films, Canal+ est présent aussi mais pas du tout au niveau où ils sont présents dans le cinéma français, parce que comme ce sont des films en anglais, ce sont d’autres quotas, d’autres financements. Je dirais que sur un film comme « Sils Maria » ou « Personal Shopper », on a à peu près un tiers de ce qu’ils mettraient sur un film normal français et, par ailleurs, on n’a droit à aucun des autres financements du cinéma français, c’est-à-dire ni SOFICA, ni crédit d’impôt, ni avance sur recettes du fait que ce n’est pas en langue française. Donc, du coup, cela fait quand même un moment, des années que je travaille et que je fais vivre mes films dans un système qui n’est pas celui du cinéma français. Et je m’en réjouis parce que, si c’était le cas, c’est vrai qu’aujourd’hui je me poserais plus de questions que je ne m’en pose.

Le fait de tourner dans une langue étrangère, comme dans vos deux derniers films « Sils Maria » et « Personal Shopper », n’a jamais, semble-t-il, été un obstacle – sans doute parce que vous parlez vous-même plusieurs langues. Quels sont les avantages et les désavantages de tourner à l’étranger ?
Le fait d’être à l’aise avec une langue étrangère facilite, entre autres, la communication avec les acteurs. Mes films – et parfois ça m’énerve un peu – sont présentés comme des films importants dans le rayonnement du cinéma français. Et quand j’entends ça, ça me crispe un peu. Certes, je m’en réjouis… néanmoins, quand l’essentiel du cinéma français est subventionné et aidé, il se trouve que, moi, je ne le suis pas.

Quels sont vos autres projets ? On suppose que pour occuper votre temps libre, vous avez sûrement aussi un livre en cours d’écriture (!?)
En plus, oui. Mais ça n’a rien ou peu à voir avec le cinéma… et ça nous mènerait un peu loin. Donc, pour ce qui est des projets cinématographiques, c’est surtout « Wasp Network ». Par ailleurs, ce que je suis en train de faire, qui n’est pas littéraire mais qui a à voir avec une passion personnelle, c’est à nouveau la restauration des films de Guy Debord. Je m’étais, en effet, déjà occupé de la restauration de ses films quand j’avais « chapeauté » leur réédition, leur restauration et leur édition en DVD dans un coffret Gaumont. Aujourd’hui, on fait la numérisation 4K des films pour avoir des DCP (Digital Cinema Package : format de la projection numérique – NDLR), pour pouvoir les projeter dans les meilleures conditions possibles et je supervise aussi la traduction anglaise des films qui n’ont jamais été disponibles en anglais. Cela fait des années que j’essaie de trouver la façon de le faire car ils sont très difficiles à traduire. Et donc, finalement, avec l’aide des « Films du losange », j’y suis arrivé.

Propos recueillis par Aline Vannier-Sihvola
Sodankylä, le 15 juin 2018

(*) Texte de présentation de la rétrospective Ingmar Bergman (1918-2007) au Festival de La Rochelle : « Où en est-on avec Bergman ? », texte signé Olivier Assayas
https://festival-larochelle.org/fr/festival-2018/retrospective-ingmar-bergman

Cycle AKI KAURISMÄKI sur ARTE.TV

ARTE met à l’honneur le cinéaste finlandais AKI KAURISMÄKI en proposant un cycle de 5 films du réalisateur disponibles gratuitement sur ARTE.tv jusqu’au 30 avril 2021.

Pour en savoir plus sur le cinéma d’Aki Kaurismäki qui a réalisé une vingtaine de longs métrages : https://www.arte.tv/fr/videos/065424-038-A/top-5-musical-aki-kaurismaki/

« Aki Kaurismäki tout en images » :
https://www.arte.tv/fr/videos/065424-047-A/blow-up-aki-kaurismaeki-tout-en-images/

Aki Kaurismäki a, par ailleurs, joué un rôle important dans la création, en 1986, du Festival du film du soleil de minuit / Midnight Sun Film Festival à Sodankylä en Laponie. Aki est avec son frère Mika Kaurismäki et Peter von Bagh l’un des co-fondateurs de ce festival au caractère d’exception, baigné par la lumière arctique au solstice d’été, et dont le succès ne se dément pas depuis sa création il y a plus de trois décennies. (Voir articles relatifs au Festival du film du soleil de minuit sur cinefinn.com)

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ARIEL (1988), 70 min

Le mineur au chômage quitte sa Laponie natale pour une nouvelle vie à Helsinki… Réalisme social, romance et drame policier – deuxième volet d’une trilogie ouvrière, après « Shadows in Paradise » et avant « La fille aux allumettes ».

 

LA FILLE AUX ALLUMETTES (1990), 66 min

Iris travaille dans une usine d’allumettes et rêve du prince charmant. Un soir, elle rencontre Aarne, un homme d’affaires fortuné, qui l’abandonne après leur première nuit d’amour. Iris tombe enceinte et se prépare à fonder une famille. Mais son entourage en a décidé autrement. Sa vengeance sera terrible.

 

LA VIE DE BOHÈME (1991), 99 min

Auteur en mal d’éditeur, Marcel Marx est expulsé de chez lui. Il rencontre un peintre albanais, lui aussi sans-le-sou, Rodolfo, puis Schaunard, un compositeur irlandais. Les trois hommes deviennent bientôt inséparables et décident de partager leur misère et leur passion pour les arts.

Au loin s'en vont les nuages

AU LOIN S’EN VONT LES NUAGES (1996), 91 min

lona et Lauri forment un couple travailleur et tenace. Elle est maître d’hôtel dans un restaurant, lui conduit un tramway. Un jour, ils se retrouvent l’un après l’autre au chômage. Commence alors une lutte acharnée pour reconquérir ce qui a été perdu…Un film « néoréaliste » sur le chômage.

 

L’HOMME SANS PASSÉ (2002), 91 min

Un homme perd la mémoire. À partir de cette idée simple, Aki Kaurismäki livre un film burlesque et mélancolique, un hymne à l’humanité et à l’amitié. Le Prix d’interprétation féminine du Festival de Cannes 2002 a été décernée à Kati Outinen, l’actrice fétiche du réalisateur.

Découvrez ou retrouvez les films de Aki Kaurismäki gratuitement sur ARTE.tv jusqu’au 30 avril 2021

Coup de projecteur sur LA TORTUE ROUGE / THE RED TURTLE, film d’animation de MICHAËL DUDOK DE WIT

LA TORTUE ROUGE / THE RED TURTLE
Michaël Dudok de Wit

France / Belgique / Japon (2016), 81 min
Film d’animation – une fable écologique et poétique sans paroles
TV5 (Finlande) : mercredi 28 avril à 14 h 10
OCS Max (France) : lundi 26 avril à 22 h 05 / mercredi 28 avril à 19 h 15

A cette occasion, lire l’entretien avec Michaël Dudok de Wit, invité du Festival international du film Espoo Ciné en mai 2017.

RENCONTRE AVEC MICHAËL DUDOK DE WIT

Michael Dudok de Wit
Michaël Dudok de Wit, réalisateur néerlandais, est venu présenter ce printemps « La tortue rouge », son premier long métrage d’animation, à l’occasion de la XXVIIIe édition du Festival international du film Espoo Ciné (5-14 mai 2017). Le film raconte les grandes étapes de la vie d’un être humain à travers l’histoire d’un naufragé sur une île déserte tropicale peuplée de tortues, de crabes et d’oiseaux. « La tortue rouge » est un véritable poème cinématographique qui s’impose par sa pureté et son innocence.
« La tortue rouge » est une histoire sans paroles, toutefois la bande son est extrêmement sophistiquée, grâce à un mélange étudié de bruitages et de musiques.

Célèbre dans le monde de l’animation pour ses deux précédents courts métrages « Le moine et le poisson » (sorti en 1994 – César du Meilleur court métrage en 1996) et « Père et fille » (sorti en 2000 – Oscar du Meilleur court métrage en 2001), Michaël Dudok de Wit n’en a pas moins démérité avec « La tortue rouge », Prix spécial « Un certain regard » au Festival de Cannes 2016 et nommé aux Oscar ainsi qu’aux César 2017 comme Meilleur film d’animation.
Outre Isao Takahata (du studio Ghibli – co-producteur du film) qui a prodigué avis et conseils mais a laissé une entière liberté à Michaël Dudok de Wit, le scénario a bénéficié de la contribution de la réalisatrice française Pascale Ferran.

Suite à la projection de « La tortue rouge » dans le cadre du Festival Espoo Ciné, une master class a été conduite sur le making of du film par Michaël Dudok de Wit. A l’issue de cette master class, le réalisateur a répondu à quelques questions en français.

La tortue rouge dessin

Combien de dessins avez-vous réalisés au total et combien en avez-vous gardés pour la version finale du film ?
Cela ne fonctionne pas comme ça, car le dessin est décomposé en plusieurs parties. Ce n’est pas comme un dessin qui serait fini à chaque fois. Par tradition, en animation, on dessine bien plus que ce que l’on peut voir à l’écran au final.
Une partie énorme de dessins n’est pas retenue et se retrouve en quelque sorte jetée à la poubelle. Au moins 3 fois plus que ce que l’on voit à l’écran. En moyenne, pour ce film d’animation, il faut compter 16 à 18 images par seconde.

Comment se fait-il que, pour l’écriture du scénario, vous ayez requis la collaboration de la cinéaste Pascale Ferran qui n’est pas particulièrement versée dans l’animation ?
C’était plutôt pour l’histoire, pour l’adaptation de l’histoire. Elle était fascinée. Pour elle, c’était étonnant de faire le montage avant le tournage. Par ailleurs, elle s’y connaissait en animation. Elle avait vu pas mal de films japonais aussi. En fait, c’est Pascal Caucheteux, mon producteur de Why Not Productions, qui l’a contactée et lui a demandé si le projet l’intéressait. Nous nous sommes alors rencontrés et c’est ainsi qu’a commencé notre collaboration sur « La tortue rouge ».

Comment la France se retrouve-t-elle impliquée dans ce film ?
C’est une coproduction surtout franco-japonaise. Il y avait beaucoup d’argent français. La France s’est donc ainsi retrouvée impliquée dans ce film pour deux raisons : il y avait beaucoup de talents et une grande partie du budget était français. Mais on a aussi travaillé sur une partie du film en Wallonie.

Etes-vous dessinateur avant d’être cinéaste ?
Dessinateur, je l’étais déjà enfant ; je faisais des petites BDs. En fait, j’aime les deux ; j’aime dessiner mais ça doit aboutir à quelque chose. J’ai étudié l’animation, et c’est seulement en m’attelant à la tâche, par la pratique que j’ai appris le langage du cinéma, le côté narratif.

Aline Vannier-Sihvola
Propos recueillis en français – Helsinki, mai 2017

À voir SUR NOS ÉCRANS ce printemps !

Alors que les salles de cinéma restent encore fermées en ce début de printemps à Helsinki (pandémie oblige !), avec une possible réouverture début mai, tout en sachant que rien ne remplacera jamais le grand écran, restent néanmoins les incontournables du petit écran qui, en termes de diversité, qualité et disponibilité, offrent de quoi se divertir !

LES SÉRIES ET FILMS FRANÇAIS À VOIR SUR AREENA

et ne pas manquer le CYCLE AKI KAURISMÄKI sur ARTE.TV (5 films disponibles gratuitement jusqu’au 30 avril 2021)  :

HAPPY END (2017)
Film de Michael Haneke
Avec Isabelle Huppert, Mathieu Kassovitz, Jean-Louis Trintignant
https://areena.yle.fi/1-4412290 (disponible jusqu’à fin avril 2021)

A Calais, Georges Laurent, patriarche d’une famille bourgeoise, accueille sa petite-fille, Eve, dont la mère est dans le coma après l’absorption d’une surdose de médicaments. Chez le vieil homme, l’atmosphère est souvent sinistre, entre Thomas, qui n’assume pas une double vie, et sa soeur Anne, qui doit s’occuper en même temps d’un accident qui a frappé le chantier sur lequel elle travaille et de son fils Pierre, qui connaît de nombreux problèmes…

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FRANTZ (2016)
Film de François Ozon
Avec Pierre Niney, Paula Beer
César de la Meilleure photographie (2017)
https://areena.yle.fi/1-4291254 (disponible jusqu’au 22 avril 2021)

Au lendemain de la guerre 14-18, dans une petite ville allemande, Anna se rend tous les jours sur la tombe de son fiancé, Frantz, mort sur le front en France. Mais ce jour-là, un jeune Français, Adrien, est venu se recueillir sur la tombe de son ami allemand. Cette présence à la suite de la défaite allemande va provoquer des réactions passionnelles dans la ville.

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SAGE-FEMME (2017)
Film de Martin Provost
Avec Catherine Frot, Catherine Deneuve, Olivier Gourmet
https://areena.yle.fi/1-4196182 (disponible jusqu’au 13 mai 2021)

Claire exerce avec passion le métier de sage-femme. Déjà préoccupée par la fermeture prochaine de sa maternité, elle voit sa vie bouleversée par le retour de Béatrice, femme fantasque et ancienne maîtresse de son père défunt.

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LA GARÇONNE – KAKSOISELÄMÄÄ (2020)
Mini-série télévisée policière française en six épisodes de 52 minutes créée par Dominique Lancelot et réalisée par Paolo Barzman.

Diffusions sur TEEMA :
– Episode 1 : le 27.03. à 12 h 00
– Episode 2 : le 25.03. à 20 h 00
– Episode 3 : le 26.03. à 20 h 00
– Episode 4 : le 30.03. à 20 h 00
– Episode 5 : le 31.03. à 20 h 00
– Episode 6 : le 1.04. à 20 h 00
Rediffusions sur Areena jusqu’à fin juin 2021 :
https://areena.yle.fi/1-50724650

Paris dans les Années folles, Louise Kerlac (Laura Smet) est témoin du meurtre de Berger, un ami. Les tueurs sont des agents de l’État. Elle doit se cacher pour se protéger : elle se rend à la police pour se disculper, et prend l’identité de son frère jumeau…

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« Paris etc. » (2017) est une série télévisée française en douze épisodes de 30 minutes réalisée par Zabou Breitman, échelonnés du samedi 13 février au samedi 20 mars (2 épisodes nouveaux chaque samedi). Ce feuilleton raconte le destin croisé de cinq femmes dans le Paris d’aujourd’hui : Marianne, Mathilde, Nora, Allison et Gil.

Actuellement restent disponibles sur Areena les épisodes 11 et 12 :
https://areena.yle.fi/1-4420571

Épisodes :

  1. La Rentrée des classes
  2. Perte des repères
  3. Nuits blanches
  4. Appeler un chat un chat
  5. De l’air
  6. On largue les amarres
  7. Dans le vide
  8. La Crème de la crème
  9. On flotte
  10. Surprise !
  11. La Course
  12. Amour toujours

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EGALEMENT SUR AREENA :

  • DERBY GIRL (2020)
    Mini-série télévisée française en 10 épisodes d’une vingtaine de minutes, créée par Nikola Lange et Charlotte Vecchiet.
    Genre : Comédie
    https://areena.yle.fi/1-50572799 (disponible jusqu’à décembre 2021)

  • ISABELLE HUPPERT, MESSAGE PERSONNEL / LÄHIKUVASSA ISABELLE HUPPERT (2019)
    Dans un documentaire rare, réalisé par William Karel, l’actrice raconte son parcours artistique, mêlant souvenirs et anecdotes.
    https://areena.fi/1-50484152 (disponible jusqu’en 2022)

  • ALBERT CAMUS, L’ICÔNE DE LA RÉVOLTE / ALBERT CAMUS, IKUINEN KAPINOITSIJA (2020)
    Film documentaire de Fabrice Gardel et Mathieu Weschler
    https://areena.yle.fi/1-50591144 (disponible jusqu’à fin 2022)

  • LES PARAPLUIES DE CHERBOURG / CHERBOURGIN SATEENVARJOT (1964)
    Film de Jacques Demy
    Avec Catherine Deneuve, Nino Castelnuovo, Anne Vernon
    Palme d’or – Cannes 1964
    https://areena.yle.fi/1-92607 (disponible jusqu’à fin juin 2021)

  • MICHEL LEGRAND, SANS DEMI-MESURE / MICHEL LEGRAND, ELOKUVAMUSIIKIIN MESTARI (2018)
    Documentaire de Grégory Monro
    https://areena.yle.fi/1-50364551 (disponible jusqu’à fin 2021)
  • VARDA PAR AGNÈS / VARDA, AGNÈSIN SILMIN (2019)
    Le dernier film documentaire réalisé par AGNÈS VARDA qui nous a quittés en mars 2019
    https://areena.yle.fi/1-50268299 (disponible jusqu’à fin 2021)

  • CLÉO DE 5 À 7 / CLEO VIIDESTÄ SEITSEMÄÄN (1962)
    Film de Agnès Varda
    Avec Corinne Marchand, Antoine Bourseiller, Michel Legrand
    https://areena.yle.fi/1-74445 (disponible jusqu’à début mai 2021)
  • LE HAVRE (2011)
    Film de Aki Kaurismäki
    https://areena.yle.fi/1-2133261
    (version originale en français avec sous-titres en finnois !)
    Lire ENTRETIEN AVEC AUBERI EDLER (12.06.2015) sur cinefinn.com

  • CYCLE AKI KAURISMÄKI sur ARTE.TV (voir article sur cinefinn.com)
    ARTE met à l’honneur le cinéaste finlandais en proposant un cycle de 5 films du réalisateur disponibles gratuitement sur ARTE.tv (jusqu’au 30 avril 2021)
    (version originale en finnois avec sous-titres en français !)

  • UNE HISTOIRE FINLANDAISE / SUOMEN TARINA RANSKALAISITTAIN (2017)
    Film documentaire de Olivier Horn
    https://areena.yle.fi/1-3703411 (disponible jusqu’en 2022)
    https://dailymotion.com/video/x7pbgqr (disponible aussi hors Finlande)
    (version originale en français avec sous-titres en finnois)
    Lire l’article UNE HISTOIRE FINLANDAISE de OLIVIER HORN (03.12.2017)

Retrouvez toute la programmation sur :
https://areena.yle.fi/tv

Coup de projecteur sur AALTO – documentaire de VIRPI SUUTARI

Alors que la chaîne française ARTE (arte.tv) diffusait pendant tout un mois, du 10 février au 11 mars 2021, le documentaire ALVAR AALTO Architecte avec un grand A de la réalisatrice finlandaise Virpi Suutari dans sa version TV écourtée, soit 52 min, TEEMA diffuse ce soir le documentaire AALTO dans sa version originale longue, soit 100 minutes (à revoir sur Areena).

AALTO
Documentaire de Virpi Suutari (2020), 100 min
Areena : https://areena.yle.fi/1-4586720 (Disponible jusqu’à septembre 2021)

ALVAR AALTO Architecte avec un grand A (Finlande, 2020), 52 min
ARTE – Dernière diffusion dimanche 21 mars, à 7 h 30 (heure française)

Alvar Aalto (1898-1976) est un architecte, dessinateur, urbaniste et designer finlandais, adepte du fonctionnalisme et considéré comme le père fondateur du design organique. Tout comme son architecture qui s’intègre de façon harmonieuse dans le paysage environnant, son mobilier aux lignes courbes et fluides, tel le célèbre fauteuil Paimio en bois courbé (1932), ses créations en verre, tel le mythique vase Savoy (1936) – aussi appelé vase Aalto (« vague » en finnois) – ou encore ses lampes en laiton aux formes arrondies, toutes ses réalisations se caractérisent par leurs formes organiques.

La Maison Carré est la seule construction de l’architecte finlandais en France et une des rares résidences privées à l’étranger. Elle a été créée ainsi que tout son mobilier par Alvar Aalto en 1959 pour Louis Carré, collectionneur et marchand d’art influent de l’après-guerre. Il s’agit d’un « gesamtkuntswerk » ou « oeuvre d’art totale » puisque Aalto a non seulement dessiné la maison mais conçu également les meubles, les luminaires, les tapis… jusqu’aux poignées de porte. Cette maison, située à Bazoches-sur-Guyonne, dans les Yvelines, est un modèle d’intégration dans le paysage.

Vase Aalto (1936) sur fond de l’Institut de retraite nationale / Kansaneläkelaitos  Helsinki (1956)

Alvar Aalto – Architecte avec un grand A
Dans ce film, la réalisatrice Virpi Suutari nous livre un regard très personnel sur ce couple aussi peu conventionnel que charismatique que formait ce duo de créateurs Alvar Aalto et son épouse Aino Aalto.
Si le film nous présente les plus emblématiques ouvrages d’Alvar Aalto – de la Finlande à la Russie, en passant par la France et les Etats-Unis – en dialoguant avec des experts et des témoins, il a surtout la particularité de se pencher pour la première fois sur l’histoire d’amour de ce couple d’architectes pionniers et sur leur étroite collaboration dans le processus de création
.

Virpi Suutari
© Euphoria Film

Virpi Suutari est une documentariste finlandaise au talent reconnu et récompensé à maintes reprises Elle a étudié à l’École des arts et du design de Helsinki, où elle a ensuite enseigné de 2012 à 2016. En 2012, elle a fondé avec son mari Martti Suosalo, acteur finlandais, la société de production Euphoria Film Oy. Virpi Suutari a réalisé à ce jour une dizaine de documentaires, dont « Alvar Aalto » est son tout dernier opus et qui vient d’être nommé dans la catégorie Meilleur documentaire au Gala des Jussi (les César finlandais) qui se déroulera cette année, en raison de la pandémie, à l’automne prochain.

Pour plus d’informations sur Alvar Aalto, le plus célèbre architecte et designer finlandais :

Coup de projecteur sur F. J. OSSANG

À NE PAS MANQUER :

Dimanche 4 avril, sur France 2, à 00 h 00 (heure française)
Histoires courtes
Soirée « F. J. Ossang. Poète argentique »

« Sens-tu comme le vent griffe, lumière si crue. L’on descend du ciel jusqu’à l’ombre des feuillages … ».
Par ses courts-métrages, F. J. OSSANG nous offre un moment de poésie, à l’argentique.

« VILLA DES LONGUES ALLÉES » de F. J. OSSANG (20 min). Produit par 1015 Productions. INEDIT.
Dans la nuit d’une ville méditerranéenne surprise par la neige et la glace, un homme, du nom de Magloire tombe sur un inconnu près de mourir. Cherchant à le secourir, Magloire hérite d’un paquet d’argent tandis que l’autre agonise. Mais les ennuis commencent, une bande est à ses trousses.

« SRI AHMED VOLKENSON » de F. J. OSSANG (34 min). Produit par 1015 Productions. INEDIT.
Après avoir été fait prisonnier par la bande de « Kurtz », Magloire, un homme sans bagages et sans avenir, devient leur complice et embarque avec eux à bord d’un mystérieux cargo.

« CAP SUR LE NOWHERELAND » de F. J. OSSANG (39 min). Produit par 1015 Productions. INEDIT.
Rien ne se passe comme prévu à bord du cargo où a embarqué Magloire. Les hommes de Kurtz s’avèrent être les jouets d’une machination conduite par le mystérieux « 9 Doigts ». Le poison et la folie gagnent le navire.Soirée « F. J. Ossang. Poète argentique »

  • Soirée « F.J. Ossang. Poète argentique »
  • Dimanche 4 avril, à 00 h 00 (heure française)
  • Sur France 2, dans Histoires courtes (3 courts métrages inspirés de son dernier film « 9 Doigts »)
  • En replay (7 jours), sur https://www.france.tv/france-2/histoires-courtes/


Lire ENTRETIEN AVEC F. J. OSSANG accordé lors du Festival Amour & Anarchie de Helsinki, en 2017, alors que le réalisateur était venu présenter son dernier long métrage « 9 Doigts ».

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ENTRETIEN AVEC F. J. OSSANG

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J. Ossang – réalisateur, écrivain, poète, musicien – était l’invité du dernier Festival Amour & Anarchie qui s’est déroulé à Helsinki en septembre 2017. Cet artiste polymorphe hors normes, venu présenter son dernier film, faisait son grand retour, après six ans d’absence, dans le paysage cinématographique français avec son 5e long métrage « 9 Doigts », récemment récompensé du Léopard de la Meilleure mise en scène au Festival de Locarno.
« 9 Doigts » est un film noir d’anticipation, en noir et blanc, un film comme on en voit peu. A la suite d’un braquage, une bande de malfrats embarque sur un étrange cargo à destination du Nowhereland. Une expédition expérimentale en eaux troubles, qui vibre au rythme de MKB Fraction Provisoire, de quoi ravir les punks de la première heure et les amoureux du cinéma expressionniste… Et toujours en pellicule !

F. J. O. 2 - Copy - Copy

Vous êtes, semble-t-il, déjà venu au moins une fois en Finlande. Vous revenez pour présenter cette fois-ci votre 5e long métrage « 9 Doigts » qui sortira en France en mars 2018. Qu’est-ce qui vous a fait accepter l’invitation du Festival Amour & Anarchie qui a, paraît-il, projeté chacun de vos précédents films à leur sortie ?
J’ai beaucoup de proximité avec ce Festival parce que j’y suis venu pour la première fois en 1991 avec « Le trésor des îles chiennes », qu’ils avaient projeté en grand, en plein air, sous la statue d’Alexandre II, à Helsinki. C’était à l’époque un festival plus modeste, très chaleureux et j’en ai gardé un très bon souvenir. Il y avait une grande camaraderie avec Pekka Lanerva et son associé Mika Siltala. Puis, je suis revenu une deuxième fois en 1998 pour « Docteur Chance » ; je venais juste d’avoir la copie avec les sous-titrages anglais et je suis venu porter le film ici. Ensuite, ils ont été très chics car ils ont même pris une série de trois courts métrages que j’ai réalisés dans les années 2000 qui s’appelait « Triptyque du paysage » où il y avait « Silencio », qui a miraculeusement eu le Prix Jean Vigo, ainsi que deux films tournés à Vladivostok qui ont été présentés dans la section « French Touch » du Festival, au milieu de longs métrages, ce qui était très gentil de leur part. Ensuite, ils ont pris aussi « Dharma Guns » et, bien sûr, quand j’ai maintenant reçu l’invitation pour « 9 Doigts », j’ai immédiatement accepté ; je donne toujours la priorité à Helsinki.

Que connaissez-vous du cinéma finlandais ?
Je connais surtout les frères Kaurismäki, Mika et Aki, que j’aime beaucoup. Aki est pour moi un des cinéastes capitaux de ces années-là.

D’aucuns rapprocheraient vos films, du moins leur atmosphère, la noirceur, la gestuelle des personnages, de ceux de Aki Kaurismäki – toutefois, bien moins bavards que les vôtres. Qu’en pensez-vous ?
Certainement on a des affections, des influences très communes. Aki, bien sûr, a fait plus de films que moi. Mais c’est vrai que, quand j’étais très en péril pour « Docteur Chance » et que c’était très fatigant de commencer le film, j’avais dit que si quelqu’un devait finir le film, ce serait Aki Kaurismäki. Il ne l’a jamais su… C’était un film où il y avait aussi Joe Strummer. J’ai connu Kaurismäki dès ses premiers films et vraiment c’est quelqu’un que j’apprécie énormément. Et puis, ses interviews sont passionnantes quand il parle de cadre, de cinéma. D’ailleurs, je sais qu’il tourne toujours en pellicule et, à ce propos, j’ai publié un petit livre qui s’appelle « Mercure insolent », une espèce de plaidoyer un peu fanatique. On m’avait demandé un livre sur ce qu’est le cinéma et c’est avec effarement que je me suis aperçu qu’en fait la pellicule pouvait disparaître. Le cinéma argentique est le seul mode d’expression qui se conjugue au présent absolu. Dans la peinture, l’écriture ou le cinéma numérique, on peut toujours retoucher. En pellicule, on ne peut pas tricher. Même s’il y a du montage et de la postproduction, il y a quand même à la base un enregistrement immédiat du présent. C’est un livre qui est assez saisissant pour certaines personnes. C’est publié chez Armand Colin.

Vous avez été influencé par quel cinéma, quels sont les cinéastes qui vous ont inspiré ?
En fait, j’aimais James Bond quand j’étais jeune et j’ai été très amusé d’apprendre finalement que le seul cinéma dont parle avec éloge Robert Bresson, c’est James Bond. Bresson est toujours surprenant ! Sinon, comme j’étais à Toulouse à l’époque, je fréquentais régulièrement les salles de cinéma et j’ai pu découvrir les trésors allemands d’avant 1933, que ce soit Murnau, Fritz Lang ou l’avant-garde soviétique comme Eisenstein, Dojvenko, Dziga Vertov, Poudovkine, etc. et bien sûr, l’avant-garde française de cette époque. Mais c’est vrai qu’il y avait une telle réussite patente du côté des cinéastes russes et allemands que c’était plutôt de ce côté-là que j’étais attiré. Et il y avait aussi le cinéma noir américain avec, parfois, des éblouissements complets. Je me souviens avoir vu, justement à Toulouse, pour la première fois « Asphalt Jungle ». Il y a aussi des gens comme Josef von Sternberg pour qui j’ai une étrange passion, qui a fait « L’ange bleu », « Shangai Express ». C’est un cinéaste passionnant que j’ai redécouvert à travers une rétrospective il y a une dizaine d’années, dans des films comme « Morocco » dont je n’avais vu auparavant qu’une copie médiocre, avec cette espèce d’exotisme colonial, assez décalé en même temps, et là, dans une copie revue avec Marlène Dietrich et Gary Cooper, j’ai découvert un film sublime. Et puis, on s’aperçoit que c’est lui qui a lancé le film de gangsters avec « Underworld » (film muet de 1927). Un très curieux bonhomme. Et, bien sûr, la Nouvelle vague et puis, Guy Debord.

Pourquoi ce choix du titre « 9 Doigts » qui ne convie pas l’imaginaire du spectateur et a tendance à masquer une oeuvre magistrale, aussi fascinante qu’énigmatique ?
Tout d’abord, j’aime bien le chiffre 9. Et j’aime bien « 9 Doigts » parce que le mot « doigts » au pluriel est un des mots les plus mystérieux de la langue française. En fait, ce titre a beaucoup plu à certaines personnes. Il est énigmatique, ça fait presque un peu rébus. J’ai donc gardé le titre que j’avais trouvé lorsque j’avais écrit une dizaine de pages du scénario. Un titre court et abstrait.

Comment est né ce film ? Et pourquoi le choix du noir et blanc et du 35 mm, comme, du reste, dans la plupart de vos films ?
A Bordeaux, la Commission Films a beaucoup aimé le film, mais c’est finalement le Portugal qui s’est impliqué dans le projet. Et puis, de toute façon, même si on avait eu beaucoup d’argent, ce  film était difficile à faire. C’était vraiment une gageure, avec de l’eau dans tous les coins, un film d’aventure maritime. Il est vrai qu’il y a toujours l’océan, des vaisseaux-fantômes, des légendes de mer, des circulations d’eau dans un coin de mes films. Le Portugal s’est donc vite associé à l’affaire. J’ai gagné le Prix Eurimages, mais à partir de là je n’ai jamais eu le soutien financier du Fonds Eurimages, ni d’aucune télévision. Et puis, avec le nouveau règlement français qui applique la parité, cela signifie que moins vous avez d’argent moins vous en avez, et s’il n’y en a pas beaucoup il y en a encore moins. Et quand il y a des petits budgets, il faut, à ce moment-là, automatiquement tourner en numérique. Donc, le film a été très dur à faire mais, par contre, le Portugal a répondu présent. J’avais un très bon co-producteur portugais, la production française, quant à elle, m’a laissé tomber presqu’à deux mois du tournage, mais un jeune producteur a décidé de m’aider et comme j’avais ma propre compagnie de production qui s’appelle OSS 100 Films & Documents, on a gardé les acquis et, grâce au Portugal qui nous a accordé pas mal d’aides, on a réussi à faire le film. En fait, c’est un budget qui est en gros le même depuis 20 ou 25 ans, mais ce sont les prix qui ne sont plus les mêmes.

Et pourquoi une partie du tournage se passe au Pays basque ?
C’est une région qui me plaît bien et il se trouvait que j’avais de la famille par là-bas. Mais, pour revenir au noir et blanc, à la pellicule, le noir et blanc c’est parfait aussi bien pour recycler la déterritorialisation que pour filmer les visages, parce qu’en fait il n’y a, pour moi, que deux cinémas : le cinéma du visage et le cinéma du paysage.

Voilà plus de 30 ans que vous vous êtes lancé dans le cinéma. Vous avez réalisé 5 courts et 5 longs métrages souvent sélectionnés voire primés dans les festivals, notamment au dernier Festival international du film de Locarno où vous venez d’être récompensé du Léopard de la Meilleure mise en scène pour « 9 Doigts ». Est-ce finalement la reconnaissance – attendue ou pas, du reste ?
Là, c’était une surprise. Même s’il n’y a que quatre films sur seize qui restent, c’est très difficile de passer de quatre à un… Là, pour ce festival, ça a été rapide mais ça s’est très bien passé, je dois dire. Il n’y a pas eu cette fois les problèmes techniques que j’avais un petit peu eus pour « Dr Chance ». Et puis, j’ai eu de la chance d’avoir un jury quand même très éthéré, disons, parce qu’il y avait des gens que j’apprécie beaucoup dans le jury. C’est très amusant car, à la projection de presse, j’avais 60 ans, et maintenant, à la projection officielle, pile 61 ans, jour de mon anniversaire. Et je suis très content, à cet âge-là, d’avoir mon premier prix international.

Comment s’est effectué le choix des acteurs ?
Les premiers que j’ai choisis, ce sont effectivement les habitués, parce qu’il y en a deux ou trois qui sont un petit peu de la bande, que ce soit Elvire, Diogo Dória ou Lionel Tua qui ont fait tous mes films pratiquement. Et puis, j’étais très intéressé par Pascal Greggory. Ça s’est très bien passé. J’avais beaucoup sympathisé avec lui lors d’un festival qui se passait justement en Aquitaine, comme ça par hasard. Et puis j’étais aussi intéressé par Gaspard Ulliel. Je l’ai contacté à travers la productrice qui avait produit à l’époque un film de Rithy Panh au Cambodge dans lequel il avait tourné. Après avoir visionné « Dharma Guns » et « Dr Chance », Gaspard Ulliel m’a dit qu’il ne savait pas qu’un tel cinéma existait en France. Il a tout de suite été de bonne volonté, malgré des contingences personnelles, et il a beaucoup aimé le scénario de « 9 Doigts ». Et puis pour Paul Amy, c’est un copain décorateur Jean-Vincent Puzos, originaire du Cantal comme moi, qui venait avec lui de faire un film de James Gray, qui m’en a parlé. Et c’est comme ça que j’ai rencontré Paul Amy qui rêvait un peu de tourner dans mes films. Donc, le casting s’est fait un tout petit peu à toute vitesse.

Vous dédiez votre film au poète surréaliste haïtien Magloire Saint-Aude, dont le personnage principal porte le nom. Vous êtes vous-même poète, écrivain, musicien et votre film est nourri de ce que vous êtes, de ce qui vous a fait. Est-ce que le nom de chaque personnage, à l’image aussi de Kurtz qui pourrait être inspiré d’un roman de Joseph Conrad, fait référence à des auteurs qui ont compté pour vous ? Du reste, il suffit de prendre votre nom d’artiste pour voir que vous aimez bien joué avec les mots.
J’aime vraiment beaucoup Magloire Saint-Aude. C’est vrai que dans mon précédent film « Dr Chance » il y avait aussi une référence à Georg Trakl, qui est un poète autrichien que j’aime infiniment. Magloire Saint-Aude est un grand poète haïtien, très peu connu finalement, et puis il y avait indirectement quelquechose de vaudou dans la façon de faire mes films. C’est comme ça que j’ai eu envie, une fois de plus, d’emprunter à un poète le nom d’un des personnages de mes films. Quant aux autres personnages, Kurtz, Delgado, Ferrante, ce sont plutôt des assonances qui m’ont guidé dans le choix des noms.

Est-ce que le cinéma est une manière aussi pour vous, comme l’a été et, sans doute, l’est encore la musique, de continuer la poésie ?
En fait, c’est l’écriture qui s’est imposée en premier. J’ai fait une revue qui s’appelle « La Revue Cée ». Entretemps, le punk est arrivé et a sorti de l’isolationnisme la poésie. C’était intéressant de la confronter à quelque chose d’anti-classiste parce que le rock ‘n’ roll réunit un peu toutes les classes. Et puis, vers 23/24 ans, j’ai passé le concours de l’Idhec et ai commencé à faire des films. C’est là que j’ai appris à l’Idhec que pour faire un film il suffisait d’une boîte de pellicule et d’une caméra. Et après, c’est vrai que la poésie et le cinéma me passionnent parce qu’ils sont exactement l’inverse de l’autre. La poésie, c’est une interrogation sur le mystère lumineux, elle passe par une espèce de relation passionnelle voire maternelle alors qu’au contraire le cinéma, c’est plutôt une espèce de geste solaire, de prise lumineuse, un peu comme un oiseau qui fonce sur sa proie. Et comme je n’ai, en quelque sorte, réussi nulle part, aucune voie, de fait, ne s’est imposée, je dis toujours que, ne pouvant pas entrer par la porte, je suis entré par la fenêtre. Donc, j’ai continué l’écriture, la musique, et c’est peut-être une chance dans la difficulté de ne pas rester dans un système trop endogène. En fait, pour ce qui est du cinéma en France, je trouve quelquefois qu’il se fait beaucoup trop de films. Alors, finalement, peut-être que l’écriture revitalise les questionnements.

Dans tous vos films, mais plus particulièrement dans « 9 Doigts », vous vous appuyez sur le texte. Les mots sont porteurs de réflexions philosophiques, les formules fusent. « Ne rien comprendre, voilà la clé », dit l’un des personnages. A qui s’adresse ce message ? Est-ce une charge contre notre société ? Une société en errance, qui aurait perdu ses repères, ses valeurs : « La carte n’est pas le territoire »…
C’est une phrase très importante. En fait, le personnage la déforme et dit « La carte n’aime pas le territoire ». A l’origine, c’est une citation de Korzybski, qui a beaucoup influencé William Burroughs, et c’est une phrase qui a été aussi reprise par les situationnistes jusqu’au roman récent de Michel Houellebecq. C’est vrai qu’en tactique, en stratégie, on s’aperçoit que sur la carte, ça a l’air simple… mais, en fait, ça ne l’est pas : 50 km, ça peut prendre 15 jours, et puis il y a d’autres inconnues. Quant à l’autre phrase – « Ne rien comprendre, voilà la clé » –, c’est vrai qu’à un moment donné on est dans une époque où on ne comprend plus rien. Ne rien comprendre, c’est un petit peu presque nietzschéen, c’est tout prendre, parce que ne rien comprendre et tout comprendre, c’est prendre les choses comme telles. « Comprendere » signifie « prendre avec soi ». Magloire, le protagoniste, ne se révolte jamais, il s’adapte, il essaie de contourner. Il n’a rien à perdre et il essaie par tous les moyens de s’en sortir. Mais, à la fin, à force de lui raconter n’importe quoi, quand il voit l’autre qui prend la valise de polonium et recommence à le baratiner, là, justement, il coupe le discours. Il dit « Non ! ». Mais pour reprendre la question, c’est vrai que c’est un peu mon film le plus « eustachien ». Car, en fait, il y a des paroles mais pas tant que ça dans mes films alors que là, à certains moments, les dialogues prennent totalement le dessus car j’ai vraiment eu envie de filmer la parole un peu comme le fait magnifiquement Eustache dans « La maman et la putain » que j’ai revu récemment et qui est un film absolument éblouissant à tous points de vue. Mais c’est vrai que le fait de filmer la parole dans la dimension d’ébriété qu’elle peut procurer, de perte de repère comme la musique, comme le son, selon les interprétations des uns et des autres, je trouvais ça amusant, d’autant que dans un bateau, on est tout le temps enfermé.

Dans « 9 Doigts », on est face à un univers visuel hors du commun avec une image d’une grande beauté plastique, magnifiée par le noir et blanc, et des décors grandioses. Comme dans tous vos films, et a fortiori dans « 9 Doigts », l’eau est très présente. Pourquoi lui attribuer tant d’importance ?
L’eau, je ne sais pas. C’est peut-être parce que j’ai mis 24 heures à naître. C’est vrai qu’il y a tout le temps de l’eau dans mes films. Dès qu’il y a de l’eau, je me sens bien, dès que j’ai un cours d’eau que ce soit un fleuve, une rivière, un lac, la mer. La mer, bien sûr, c’est le vide, le désert, c’est un élément de péril très fort. C’est vrai que j’ai été très marqué par un livre qui s’appelle « L’eau et les rêves » de Gaston Bachelard, qui est à la fois épistémologue et passionné de poésie et de littérature. Et de la série d’ouvrages que Bachelard va consacrer aux quatre éléments – l’eau, le feu, l’air et la terre –, « L’eau et les rêves » est particulièrement génial parce qu’en fait c’est la représentation en littérature de la démonstration que l’eau est finalement le miroir de toutes les passions humaines et de tous les états d’âme, que ce soit l’eau morte, l’eau vive, l’eau lourde pour laquelle Bachelard évoque Edgar Poe. Ce dernier ainsi que Lautréamont sont des références de Gaston Bachelard.

Votre univers sonore est également impressionnant dans le film. Il y a bien sûr les morceaux de musique, dont votre propre groupe MKB, mais également la sonorisation sur le cargo. On se trouve embarqué sur ce vieux tas de ferraille vide dont les vibrations, les grincements au gré des vents, de l’océan démonté ajoutent à l’atmosphère angoissante, oppressante de fin du monde. La bande son revêt-elle une importance majeure dans vos films ?
Oui. On fait toujours la bande son avec MKB et, là, le guitariste Jack Belsen a fait 4 ou 5 titres et moi, j’ai fait toute la partie sonore, toute la partie « bruitiste », si on peut dire. Dans les quelques livres fondateurs du cinéma, il y a, bien sûr, « La non-indifférente nature » de Eisenstein, ou même Bresson, et un livre aussi que je trouve très important que Cocteau a dicté 15 jours avant sa mort qui s’appelle « Entretiens sur le cinématographe ». Et puis, un livre passionnant qui, pour moi, est fondateur, c’est « La naissance de la tragédie » de Nietzsche pour qui c’est à partir de la musique que la tragédie prend sa source et que l’on peut retrouver le miracle de la tragédie grecque. Tout le livre est là-dessus. Il y oppose, bien sûr, le dionysiaque et l’apollinien : l’apollinien, c’est évidemment tout ce qui est visuel, plastique et le dionysiaque, au contraire, c’est tout ce qui est sonore, orgiaque, musical. Et le cinéma est situé entre les deux, un cinéma pas forcément parlant, mais sonore. La théorie dualiste de Nietzsche s’applique au cinéma.

Si au début du film on est dans un scénario assez classique et linéaire, on bascule petit à petit dans une sorte de dérive narrative. Mais les dialogues ne sont pas aussi abstraits et irrationnels qu’ils y paraissent. « Au bout du compte, tout a un sens », dit le Stalker de Tarkovski dans la Zone. Qu’en est-il sur l’île mouvante de Nowhereland ?
C’est un peu un film en transformation, puisqu’en fait il y a trois mouvements ou trois actes. Pour moi, le genre cinématographique est tout aussi inspirant au cinéma que le genre littéraire dans la poésie. C’est vrai que si on écrit une ode, une élégie, ce n’est pas pareil, même si l’idée, l’optique qui vous inspire est la même. Ainsi, la première partie est vraiment un film noir à la Melville, que j’admire beaucoup, et – à supposer que ce soit réussi – c’est un peu un film melvillien au début, presque totalement muet. Et puis, pour ce qui est de la deuxième partie, on rentre dans la fuite, l’aventure maritime, les récits d’aventures littéraires qui m’ont marqué comme Arthur Gordon Pym d’Edgar Poe. Et finalement, la troisième partie, c’est vraiment plutôt de l’ordre de tout ce qui ressort de la thématique du Vaisseau fantôme qui est extrêmement intéressante. Le propre du Vaisseau fantôme, c’est la déréalisation. Quant à la référence à la Zone du Stalker de Tarkovski, pas tant que ça ou, du moins, ce n’est pas vraiment conscient. Par contre, s’il y en a une consciente et active, c’est peut-être la puissance de l’eau. C’est vrai qu’un de mes films préférés, c’est Solaris. Et peut-être qu’il y a quelque chose qui pourrait s’en rapprocher, parce qu’en fait on nous mène en bateau. Mais il y a plus que ça, il y a quand même quelque chose d’étrange et l’élément aquatique lui-même peut-être bouleverse les repères magnétiques.

La seconde partie du film, qui se déroule essentiellement sur un cargo, a été tournée aux Açores. Cela nécessite visiblement de gros moyens. Avez-vous eu des difficultés à obtenir le financement de ce film ? Quels ont été les fonds attribués ?
En fait, on était très peu. Quand on est sur un bateau, on ne peut pas être beaucoup car il n’y a pas beaucoup de place, et puis c’est une question de sécurité. On a eu de la chance qu’ils nous prennent, qu’il n’y ait pas eu de tempête, car dès que la mer est forte ils ne prennent plus de passagers. On était tout le temps dans l’incertitude mais, finalement, ça a marché. Et donc, on est partis à huit. Cela veut dire qu’il y avait un directeur de production portugais, un directeur de la photo, un machino, un assistant de caméra, un ingénieur du son, moi et deux costumiers-décorateurs. Après, il y avait une partie du film, quelques scènes qu’on a tournées sur un autre bateau qu’on a pu redécorer, transformer. C’est vrai qu’à certains moments j’étais inquiet car il n’y a pas tant que ça de films de bateaux intéressants. C’est quand même un genre très difficile et il y a tellement de contingences. Il n’y avait guère qu’au Portugal que j’ai pu trouver un bateau. En Aquitaine, il était impossible d’en trouver ; tout était hors de prix. Alors que là on a eu la chance de trouver, par les Açores, un porte-container et puis après on nous a attribué un autre gros bateau sur lequel on a pu continuer de filmer certaines séquences.

Vous qualifieriez « 9 Doigts » de film noir d’anticipation,  film expérimental, film d’aventure surnaturel, film de science-fiction complotiste, polar paranoïaque…
C’est un film noir et de science-fiction, ou plutôt d’anti-science-fiction. Un film de science-fiction, ce sont des bateaux que l’on met dans l’espace, que l’on fait voguer dans le vide intersidéral. Alors que pour moi, en fait, le concept était vraiment de faire un film de science-fiction à l’envers, qui se passe dans une réalité maritime. C’est-à-dire qu’on prend un bateau de l’espace et on le remet sur les flots. Et il se trouve être sujet à des phénomènes aussi étrangers qu’un bateau dans l’espace.

Avez-vous des projets d’écriture, de cinéma, d’album. Privilégiez-vous une forme d’expression plutôt qu’une autre ?
Ce sont trois expériences de nature très différente, mais les trois se sont toujours interalimentées. En fait, l’écriture et le cinéma, c’est toujours un peu lié bizarrement en ce sens que c’est l’écriture qui génère l’invention d’un scénario. Alors, oui, j’ai l’idée d’un nouveau livre et d’un nouveau film. Je suis bien obligé maintenant que je viens de recevoir un prix !

Propos recueillis par Aline Vannier-Sihvola
Helsinki, le 19.09.2017

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BIOGRAPHIE / FILMOGRAPHIE
Cinéaste, écrivain, musicien, F.J. Ossang est né en 1956.
En 1977, il crée la revue CEE (Céeditions & Christian Bourgois, 1977/1979), et, en 1980, le groupe de noise’n roll MKB Fraction Provisoire à qui l’on doit 9 albums et la musique de ses films.
Il a tourné 5 courts métrages (dont Silencio, Prix Jean Vigo 2007) et 5 longs métrages : L’Affaire des Divisions Morituri (1984), Le Trésor des Iles Chiennes (1991) qui a reçu le Grand Prix du Festival de Belfort, Docteur Chance (1998), Dharma Guns (2010) et 9 Doigts (2017).
A ce jour, il a publié une dizaine de livres (romans, recueils de poèmes et essais) parmi lesquels Génération néant (1993), W.S. Burroughs (2007) et un essai sur l’expérience cinématographique, Mercure insolent (2013).
Ses films ont fait l’objet de différents tributs et hommages à travers le monde, avant de sortir en 2 coffrets DVD chez Potemkine/Agnès b.