
Film de Bertrand Bonello (2013), 2 h 24
Avec Gaspard Ulliel (Yves Saint Laurent), Jérémie Renier (Pierre Bergé), Louis Garrel (Jacques de Bascher), Léa Seydoux (Loulou de la Falaise)
Hommage à Gaspard Ulliel, tragiquement disparu le 19 janvier 2022 à l’âge de 37 ans.
- Revoir le film sur arte.tv jusqu’au 22 novembre 2022
- Rediffusion du film le 1er décembre 2022 à 23 h 55 (France) / 00 h 55 (Finlande)
A cette occasion, lire ou relire l’entretien accordé par Bertrand Bonello au Festival du film du soleil de minuit en juin 2017.
Entretien avec Bertrand Bonello
Bertrand Bonello, réalisateur et scénariste français, était l’un des invités d’honneur du Festival du film du soleil de minuit dont la 32e édition s’est déroulée, cette année, du 14 au 18 juin 2017 à Sodankylä, en plein coeur de la Laponie finlandaise. Il est l’auteur d’une douzaine de films dont sept longs métrages mais il est surtout connu pour avoir signé la réalisation de « L’Apollonide – souvenirs de la maison close » (2011), « Saint Laurent » (2014) et « Nocturama » (2016). Musicien de formation, il compose également les bandes originales de pratiquement tous ses films. Bertrand Bonello est l’un des représentants talentueux de la nouvelle génération du cinéma d’auteur français.
Vous êtes sans doute pour la première fois en Finlande, tout au moins au Festival du soleil de minuit. Qu’est-ce qui vous a décidé à venir à ce festival ? Que connaissez-vous du cinéma finlandais, et plus particulièrement celui d’Aki Kaurismäki ?
En fait, ce qui m’a décidé c’est que j’entends parler de ce festival depuis longtemps, que je croise souvent des gens qui y sont allés, des réalisateurs, des amis… et tout le monde avait l’air de me parler de quelque chose d’assez extraordinaire. Donc, quand le directeur du Festival m’a invité pour être invité d’honneur, j’ai tout de suite accepté parce que j’avais envie d’y aller voir de plus près. Mais c’est un festival qui a une très bonne réputation chez les cinéastes, par exemple. Quant au cinéma finlandais, forcément on connaît un peu que le cinéma des Kaurismäki, un peu plus surtout Aki, mais aussi Mika dans les années 90 dont j’allais voir les films qui sortaient à Paris à cette époque-là. Le reste, c’est sûr qu’on connaît moins… à part, bien évidemment, le film récent « Olli Mäki » de Juho Kuosmanen [Prix « Un certain regard », Cannes 2016 – N.D.L.R.].
Y a-t-il un film d’Aki Kaurismäki qui aurait votre préférence ?
C’est sûr que, pour ce qui me concerne, j’ai découvert ses films à la fin des années 80. Donc, ce sont un peu ses premiers films qui m’ont le plus plu, après j’étais peut-être trop habitué. « La fille aux allumettes », par exemple… enfin, toute cette période-là. J’aime beaucoup les « Leningrad Cowboys » et aussi les films avec Jean-Pierre Léaud. C’est tous ces films de cette époque-là que j’aime. Mais je crois que peut-être « La fille aux allumettes » est plus mon préféré.
Vous avez plutôt une formation de musicien. A quel moment s’est opérée la bifurcation vers le cinéma et quelles en ont été les raisons ?
Les raisons, elles étaient que je m’ennuyais un peu dans la musique en France. C’était la fin des années 80/début 90. Je ne connaissais pas très bien le cinéma, mais je me disais que ce serait un territoire intéressant à occuper. J’avais gagné pas mal d’argent avec la musique et je me suis payé un court métrage qui a été, en fait, mon apprentissage, mon école. Et à partir du moment où je me suis mis à préparer ce film, j’ai vraiment commencé à m’intéresser au cinéma, à voir beaucoup de films. Et puis, après, c’est devenu vraiment une drogue.
Quels sont les cinéastes qui vous ont nourri, qui vous ont le plus marqué ?
Je n’ai pas du tout un apprentissage du cinéma scolaire, mais je pense, en effet, que peut-être le premier qui m’a parlé très personnellement, c’était Jarmusch. C’est pour ça que je connais bien les films d’Aki Kaurismäki parce que ça se parle, en fait. Après, en connaissant Jarmusch, j’ai vu qu’il parlait beaucoup de Wenders, puis Wenders parlait beaucoup d’Antonioni, puis après on s’intéresse à l’Italie, ensuite Pasolini parle de Chaplin, de Dreyer, et voilà. Ce sont des espèces de trajets personnels, en fait, au sein de l’histoire du cinéma et c’est ainsi que, régulièrement, on découvre des cinéastes qui vous inspirent. Mais je suis toujours intéressé de voir et de revoir des grands films, tout comme je m’intéresse à ce que peut faire, par exemple, un jeune cinéaste chinois aujourd’hui.
Comment expliquez-vous cette fascination quasi obsessionnelle pour Pasolini – à qui vous avez, du reste, consacré votre premier film documentaire « Qui je suis » ?
Parfois, quand vous êtes dans la vingtaine, vous faites la rencontre de quelques personnes, quelques oeuvres qui, dans l’ensemble, vous transforment. Pour ce qui est de Pasolini, par ailleurs, ce n’est pas du tout le cinéaste, mais plutôt l’homme, le poète, l’écrivain qui m’a fasciné, cette espèce de pensée ultra-intelligente et ultra-poétique, et le mélange des deux. Donc voilà, ça fait partie de ces gens comme certains écrivains ou certains peintres qui, à un moment, quand vous les rencontrez, vous structurent.
Est-ce que c’est ce côté sans foi, ni loi qui permettait à Pasolini d’aller aussi loin ?
Il y a déjà l’époque, qui a quand même beaucoup changé. Et puis, intellectuellement, il est tellement puissant que cela lui a permis d’aller loin.
On a l’impression que dans votre cinéma vous pourriez aussi aller un peu plus loin mais qu’il y a une certaine retenue.
C’est le changement d’époque. C’est vrai qu’aujourd’hui, aller loin ce ne serait plus de cette manière-là, parce que ça a déjà été fait, parce que ça ne fonctionnerait plus. Par ailleurs, si Pasolini était encore vivant, il irait encore très loin, mais d’une autre manière.
Quand on est un cinéaste de talent comme vous, qu’on n’a pas fait d’école de cinéma, qu’on n’a pas de formation cinématographique particulière, quelles qualités indispensables doit-on réunir pour devenir un bon metteur en scène ou, du moins, s’essayer au métier ?
La meilleure école, c’est de voir des films et de lire. Je lisais beaucoup les entretiens de cinéastes, par exemple. Ça me passionnait et ça me passionne toujours. Dans un entretien, même entre les lignes, en fait, on voit bien quelles sont les questions qu’un cinéaste a dû se poser et quelles sont les réponses qu’il a dû apporter à tel moment. On voit bien les cheminements des choses. Et un bon entretien de metteur en scène, ça vaut une année scolaire. C’est vrai que j’ai été beaucoup nourri par aussi la critique, les entretiens… et puis voir, voir des films.
Vous faites des films aux budgets très différents. Vous vous êtes fait, certes, rapidement un nom, mais comment on fait pour son deuxième long métrage, en l’occurrence « Le pornographe », pour persuader Jean-Pierre Léaud d’en tenir le rôle principal ?
C’est passer par deux choses très simples. Premièrement, le scénario, et deuxièmement, une rencontre. Je l’ai appelé ; je lui ai déposé le scénario dans sa boîte. Il a aimé le scénario, puis on a passé quatre heures au café. Voilà, c’est aussi simple que ça. Et puis, Jean-Pierre, c’est quelqu’un qui a de toute manière une curiosité pour aussi les jeunes cinéastes – et, à l’époque, j’étais vraiment un jeune cinéaste. Je pense que les jeunes cinéastes qui ont un lien avec l’histoire du cinéma dans leur manière de parler, ça le rassure, il aime ça. Donc, ça s’est fait vraiment hyper simplement.
Pour ce qui est du film « Saint Laurent » qui n’aurait pas eu l’aval de Pierre Bergé, le compagnon du grand couturier, peut-on braver Pierre Bergé sans dommages sinon pour la réalisation du film du moins pour sa sortie ?
Pour la réalisation du film, oui. Par ailleurs, j’ai même l’impression que ça m’a aidé, parce que ça m’a poussé à être vraiment plus libre, à ne pas l’avoir sur le dos. Après, pour la sortie voire le financement, c’est certain que le film, même s’il a coûté beaucoup d’argent, à l’origine coûtait plus et que, de par ses réseaux, son pouvoir, il a bloqué des financements. Mais bon, voilà. Là où je dis que c’est peut-être pas plus mal pour la réalisation, c’est que, parfois, c’est dans les contraintes qu’on est obligé de trouver des idées, d’être plus inventif. Disons que c’est un bon ennemi.
Il vous a tout de même bloqué l’accès aux robes de la collection.
Encore une fois, c’est un mal pour un bien parce que si on regarde l’autre film [« Yves Saint Laurent » (2014) de Jalil Lespert – N.D.L.R.] que Pierre Bergé a validé… conduit, en fait, on se rend compte que, certes, ils ont accès aux robes, mais ces robes-là sont tellement des pièces de musée. D’abord, on n’en voit pas tant que ça et, en plus, je sais que sur le tournage, il fallait que les mannequins soient habillées par des femmes en gants blancs, etc. En fait, ce sont des oeuvres de musée et ce n’est pas vivant. Alors que, pour ce qui est de mon film, « Saint Laurent » est censé se passer en 1976, et on ne sacralise pas le tissu. Donc, le fait d’avoir dû tout reproduire nous a permis aussi une liberté. Le tissu était froissé, il vivait quand il tournait, mais dans l’autre film on sent que c’est corseté par le côté musée, en fait. [L’ironie a voulu que des deux films sur Yves Saint Laurent, en lice pour les César 2015, c’est celui de Bertrand Bonello qui a obtenu le César du meilleur costume – N.D.L.R.]
Vous avez visiblement dans vos films le souci du détail, de la précision. Tout semble tiré au cordeau. Vous êtes scénariste, réalisateur, monteur. Vous composez aussi, du moins en grande partie, la musique de vos films. Comment travaillez-vous en général avec les acteurs ? Est-ce que tout est écrit ou y a-t-il parfois une part d’improvisation ?
Il n’y a pas d’improvisation. Je n’aime pas l’improvisation. Tout est écrit. Après, vous dire comment on travaille avec les acteurs : il y a, pour moi, autant de manières différentes que d’acteurs différents. Evidemment, on ne travaille pas de la même manière avec Jean-Pierre Léaud qu’avec un jeune dans « Nocturama » qui n’a jamais joué auparavant. Et même si je prends ces jeunes qui n’ont jamais joué, au nombre de dix dans le film, ils sont tous différents. Pour moi, le plus gros du travail, il est vraiment avant. C’est-à-dire passer du temps, parler, et pas sur les scènes, d’ailleurs. C’est d’amener les acteurs sur le plateau dans les meilleures conditions, dans le meilleur « mood », pour employer un mot anglais qui n’a, du reste, pas de traduction française. Et, à un moment, si le travail en amont est bien fait, globalement, la direction d’acteur se résume alors à des directives simples. Evidemment, avant le tournage, je demande aux acteurs s’il y a une scène qui leur pose question, un dialogue qu’ils ne sentent pas, des choses comme ça, et ça je le fais avec tous les acteurs quels qu’ils soient. Après, ils ne remettent pas vraiment grand-chose en cause. Il y en a certains qui font des propositions ; j’y réfléchis et, parfois, je leur donne raison.
Vous avez offert au public sept longs métrages sur une grande diversité de sujets. Comment vous viennent les idées de vos films, les inspirations ? Les puisez-vous forcément dans la réalité ?
Je pense que c’est la question la plus compliquée dans le sens où on ne peut lui apporter vraiment aucune réponse. Comment vient une idée ? C’est bien là la question la plus mystérieuse. Pour ma part, il y a autant de lectures de livres que de journaux, de marches dans la rue que de rester dans mon salon à écouter de la musique, etc. Et puis après, parfois, il y a une idée qui vous vient, qui semble une évidence. Ensuite, il faut essayer d’accueillir cette idée, et c’est là que le travail commence. Mais cela reste très mystérieux. Il y a aussi des désirs. Par exemple, pour « L’Apollonide », une des naissances du film est venue d’une envie que j’avais de faire un film avec un groupe de filles. Ce n’est pas de l’inspiration, ce sont des envies. Sur « Nocturama », je sais que j’avais une vraie envie, celle de revenir au contemporain. Après, vous vous posez la question : qu’est-ce que le contemporain ? Et puis, sur cette réflexion de ce qu’est le contemporain, à un moment, on a tout d’un coup une sensation d’explosion. Et voilà, c’est un enchaînement. Mais c’est assez mystérieux, et c’est tant mieux.
De tous vos films, quel est celui qui a le plus compté pour vous, celui dans lequel vous vous êtes le plus investi ?
Le plus investi ? Je dirais que c’est dans tous parce que, franchement, c’est tellement de travail. Même quand je fais un court métrage, et je continue à en faire, c’est, pour moi, aussi important qu’un long métrage. Donc, sur l’investissement, c’est vraiment égal. Le film qui a le plus compté, ça dépend pour quoi. C’est sûr qu’un film comme « Le pornographe », c’est celui qui m’a un peu révélé [Semaine de la critique/Prix FIPRESCI, Cannes 2001 – N.D.L.R.], et donc, il a compté. Puis, « L’Apollonide » m’a fait passer au niveau supérieur aussi en termes de notoriété [Compétition officielle, Cannes 2011 – N.D.L.R.], et donc, ça a compté aussi. Après, j’ai également beaucoup d’affection pour les films qui ne marchent pas. Donc, un film comme « De la guerre », qui a été assez rejeté à sa sortie, finalement il compte un peu plus pour moi que les autres parce qu’il a plus besoin d’être soutenu. Sinon, il y en a un pour lequel j’ai vraiment un faible, c’est un court métrage qui s’appelle « Cindy: The Doll is Mine », un film que j’ai fait il y a une dizaine d’années avec Asia Argento. Je dirais donc que, sur l’investissement, c’est vraiment pareil et après, j’ai forcément un peu plus d’affection pour les films mal aimés.
Que pensez-vous du cinéma français aujourd’hui ? Avec 234 films français produits en 2015, 221 en 2016, à capitaux majoritairement français, c’est un signe, à l’évidence, de la vitalité française et on pourrait se demander si les financements sont finalement si difficiles à obtenir en France.
C’est franchement une question à laquelle on pourrait apporter une réponse de deux ou trois heures. C’est très complexe. Mais si je devais faire vite… D’abord, en effet, quand on regarde les chiffres, tout va bien. Par contre, quand on regarde les films, est-ce que tout va bien ? Ça, c’est autre chose. Il faut voir ce qui sort, aussi. Pareil, quand on regarde le nombre d’entrées en France, on vous dit que c’est la meilleure année depuis tel gros succès, mais quand on regarde les films qui font des entrées, c’est quand même des horreurs. C’est deux poids deux mesures, en fait. Donc, est-ce que le cinéma français va bien ? J’imagine que son économie fonctionne à peu près pour certains, mais elle est catastrophique pour d’autres. Les financements sont, contrairement à ce qu’on pense, de plus en plus difficiles pour un certain type de films et, de fait, les financements étant difficiles, le cinéma d’auteur se formate. Donc, est-ce que ça va bien ? Oui et non. C’est une réponse très complexe, en fait.
Dans votre cas personnel, cela a-t-il été difficile d’obtenir des financements ? Et avez-vous aussi fait appel à des fonds européens comme Eurimages ?
Bien sûr, on fait appel à tout ce qu’on peut. « Saint Laurent », c’est un cas particulier. Ça a été dur parce qu’il y avait deux films. Donc, à un moment, le marché français ne peut pas absorber à hauteur de 15 millions d’euros deux projets de cette envergure… Oui, ça a été dur parce que Pierre Bergé a envoyé des lettres à tous les financiers. C’est pour ça que c’est un cas un peu particulier. Sinon, comme j’ai commencé par des films à très petits budgets, mon approche, c’est un peu de demander combien il y a et de voir ce qu’on peut faire. On fait, donc, avec ce qu’il y a. Mais là, je pense que depuis un an et demi la situation s’est beaucoup durcie. On verra bien quand j’essaierai à nouveau de financer un film. C’est pour ça que, d’un côté, j’ai envie de dire que, oui, le cinéma français va très bien mais, par ailleurs, est-ce que les films vont très bien ?
Avec vos trois derniers films, « L’Apollonide », Saint Laurent », « Nocturama », vous décrivez à chaque fois la fin d’une époque, des mondes qui s’effondrent. Si on ne sait pas trop quel regard vous portez – entre admettre ou dénoncer –, on croit toutefois percevoir une certaine nostalgie pour un monde où soufflait un vent de liberté, d’insouciance, de fête. Avec ces trois films, vous traversez un siècle pour nous laisser à la fin de votre dernier film « Nocturama » au bord d’un gouffre. Reste à savoir maintenant si on n’a pas déjà commencé de basculer dedans (!?) Constat terrifiant. Qu’est-ce qu’il y aura après ? Diriez-vous avec Robert Bresson : « Le diable, probablement… » ?
La réponse est dans la question. Mais c’est vrai, il y a un mélange de nostalgie et de mélancolie. L’idée du monde qui s’achève, de toute manière, elle est évidemment mélancolique, mais elle est assez belle. C’est pour que quelque chose redémarre. Pour ce qui est de la nostalgie, oui. Evidemment, je suis né en 1968 et donc, j’ai été jeune adulte, on va dire, au moment où le monde était vraiment en train de changer, c’est-à-dire à la fin des années 80. Pour moi, cette période est une rupture fondamentale dans le monde moderne, catastrophique certainement – enfin, ça on n’y peut rien –, mais vraiment fondamentale, une rupture de beaucoup de choses. Et ce n’est que depuis ces dix dernières années qu’on commence vraiment à s’en apercevoir. « Le diable, probablement… » ? Encore une fois pour mille raisons, comme une espèce de bulldozer un peu très compliqué à arrêter. Une chose qui m’effraie c’est que – et c’est compliqué de ne pas avoir l’air réactionnaire en disant ça, mais, en fait, je ne le suis pas –, j’ai l’impression qu’il y a une sorte de rupture avec la civilisation qui se met en place, quelque chose qui a été très construit pendant des siècles et des siècles et qui est en train de se déconstruire, de se défaire. Donc, il y aura certainement autre chose qui va renaître de ça, mais on n’en est pas encore là. Pour revenir à l’époque que vous mentionnez, c’était un moment beaucoup plus facile, le monde allait beaucoup mieux. L’insouciance dont vous parlez, elle n’est plus permise aujourd’hui, elle n’est plus acceptable. C’est vrai que, par exemple, si on prend ne serait-ce que les mouvements sociaux, quand vous avez en 1968 les gens qui descendent dans la rue, c’est pour avoir de la liberté, c’est pour les autres, c’est pour les Polonais, les Tchèques… Aujourd’hui, quand les gens descendent dans la rue, c’est pour eux parce qu’ils n’ont pas le choix. Donc, c’est quand même une vraie différence et on ne peut pas leur en vouloir.
Quels sont vos projets cinématographiques ? Vous disiez en janvier de cette année que vous ne saviez pas s’il y aurait un prochain film. Six mois plus tard, éprouvez-vous aujourd’hui la nécessité, l’envie de faire un nouveau film ? Et vers quoi pensez-vous vous tourner ?
Je ne sais pas. Je prends des notes et, en même temps, je n’ai pas suffisamment de désir pour mettre une machine en route qui est quand même, disons-le, une montagne. C’est très long. Un film, c’est trois ans. Par ailleurs, je n’aime pas trop l’idée que le cinéma soit un métier. Il va, certes, arriver un moment où il va falloir que je travaille, mais, voilà, je n’ai jamais vraiment cherché, en fait, de sujet. Ce sont vraiment des évidences qui arrivent. Et là, pour l’instant, il n’y en a pas vraiment.
Quand vous ne tournez pas, continuez-vous à composer de la musique ?
Vous savez, par exemple, j’ai fini la tournée promo de « Nocturama » il y a à peine un mois. Cela a duré 5/6 mois. C’était très long. On croit qu’entre les films on ne fait rien, mais on est très sollicité parce qu’on accompagne le film à l’étranger. En France, ça dure deux mois, mais après on accompagne le film dans les festivals, dans d’autres pays. Tout le monde parle des gros festivals, mais il y en a plein de petits, même ici. Donc, tout ça quand même prend du temps. Mais je fais toujours des petits projets. En l’occurrence, j’ai fait un court métrage ; je suis toujours attaché à cette idée de forme assez libre. J’ai accompagné aussi musicalement un couple de danseurs contemporains. Voilà, des petites choses comme ça. Mais vraiment l’accompagnement des films est de plus en plus long parce qu’il y a de plus en plus de supports informatiques, en fait, de sites Internet, de trucs comme ça. Il y a énormément de demandes. Et, évidemment, on ne peut pas tout faire, mais quand même il faut soutenir un peu les films.
Donc, il faudrait une vraie idée pour relancer la machine.
Une évidence, en fait. C’est ça… c’est plus des évidences. C’est ça et pas autre chose. Après, il y a des metteurs en scène qui travaillent sur plein de films en même temps. Une fois un film terminé, il faut qu’il y en ait un autre. Moi, je ne suis pas comme ça.
Propos recueillis par Aline Vannier-Sihvola
Sodankylä, le 15 juin 2017
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Le syndrome d’Helsinki
(Helsinki-syndrooma) Série créée par Miikko Oikkonen (Finlande, 2022 – 8 x 50 min, VF/VOSTF)
– Sur ARTE, les 4 premiers épisodes, ce jeudi 17 novembre à partir de 22 h 25 (France) / 23 h 25 (Finlande)
– Sur ARTE, les 4 épisodes suivants, le jeudi 24 novembre à partir de 23 h 10 (France) / 00 h 10 (Finlande)
– Revoir en replay sur arte.tv jusqu’au 14 février 2023
À Helsinki, l’entrepreneur Elias Karo prend en otage quatre journalistes qu’il force à enquêter sur la faillite de la société de son père dans les années 1990. Un drame social sous tension qui interroge la défiance envers les institutions au cœur d’une Finlande en crise.
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